Supervision : travailler le transfert
Toute relation est transférentielle, du fait qu’elle inclut une projection de sentiments, d’affects, d’impressions d’un sujet envers un autre, et d’une place implicite donnée. On constate dans les institutions, qu’elles soient hospitalières, médico-sociales ou socio-culturelles que des usagers, des clients ou des patients donnent aux professionnels un rôle et une place qui connaît un écart, une différence du rôle et de la place définis par l’institution. La relation transférentielle, décrite dans l’article comme une adresse à l’Autre, n’est pas réservée aux métiers de la santé ou du médico-social. Le cas que je présente a lieu dans une entreprise marchande, dans le cadre d’une prestation de suivi individualisé de salariés en demande de soutien.
Bien des demandes de supervision ou d’analyse des pratiques font silence de la subjectivité, voire de l’intersubjectivité dans le lien entre sujets. « Les bonnes pratiques », « les comportements adaptés » et autres visées méthodologiques y sont régulièrement répertoriés. Les questions transférentielles renvoient à la subjectivité des sujets, et à une réalité psychique de l’adresse à l’autre. Il n’y a pas de relation qui ne s’origine d’une adresse, c’est-à-dire d’une demande latente, ou inconsciente à l’autre. Dans le cas présenté, le transfert a pour cadre la demande de Jeanne, le rôle qu’elle donne à la psy, et le transfert maternel envers un fils qui a parole autorisée pour sa mère.
L’absence de reconnaissance du transfert aurait pour conséquence soit un re-cadrage formel de l’entretien par un hors-champ, ou encore une réponse par la suggestion, c’est-à-dire le conseil, celui-ci recouvrant la demande implicite en ne l’entendant pas. La réalité transférentielle ouvre une voie autre, qui est d’analyser les enjeux qui circulent, et d’entendre ce qui d’un récit initial – ici celui d’une salariée – fait désir et non demande. Car la demande est du côté de ce qui peut être dit, et du social. Cela interroge les rôles institutionnels et le cadre éthique d’une division artificielle du sujet entre « vie professionnelle » et « vie privée ». Pour le cas présenté, la réalité de Jeanne – celle de l’angoisse de la perte de repères, de place symbolique par le Travail n’a pas à être jugée adéquate ou inadéquate au cadre d’intervention de la praticienne. Une psychologue du Travail a légitimité à entendre et faire cheminer une salariée dans ce qui est son point de départ : la séparation et le vide comme rupture du lien au Travail, et des causes de l’attachement à ce qui pourrait faire repères : le groupe d’appartenance, l’entreprise, la sécurité affective d’un emploi, les relations et rituels du quotidien en ce qu’ils font contenance.
Un article de Marc LASSEAUX – contact@bymarclasseaux.com
méthodologie, supervision, Analyse des pratiques, Psychologue, Transfert