Secteur de la petite enfance: De l’utilité d’un dispositif d’Analyse de Pratiques
Dans le secteur de la petite enfance, prendre soin des jeunes enfants peut être très enrichissant, mais peut aussi s’avérer déroutant, voire éprouvant. Devoir décoder les besoins des enfants qui n’ont pas encore accès au langage peut mettre en difficulté les professionnels et les parents. Cela peut et créer des malentendus mettant le tout petit dans un lieu insécure et voire angoissant…
L’Analyse de pratiques dans le secteur des structures d’accueil du jeune enfant – EAJE -(crèches, assistantes maternelles…) est nécessaire. En effet, ces séances sont indispensables, notamment, afin de sortir des situations de blocage. Je me réjouis donc de la mise en œuvre du décret du 30 aout 2021, rendant obligatoire le dispositif d’Analyse de pratiques. En effet, ayant été moi-même, durant des années, directrice de crèches je connais bien les enjeux de pratiques des équipes pluridisciplinaires (auxiliaires de puériculture, agents sociaux, animateurs) .
La mise en jeu du transfert dans les séances d’analyse que j’anime en tant que psychanalyste superviseuse aide à démêler ce qui relève de la relation professionnelle avec l’enfant et ses parents, et ce qui relève de la propre histoire de chaque membre de l’équipe dans cette relation. Une fois que ce démêlage est mis à jour par la parole échangée, on peut alors réajuster sa posture professionnelle, au plus près des besoins de l’enfant accueilli et de ses parents.
Du sentiment d’échec dans l’investissement au travail en EAJE :
C’est parce que l’investissement des équipes en structures d’accueil petite enfance est puissant, intense, qu’il surexpose au stress, et à la souffrance au travail (sentiment d’impuissance, d’exclusion…) face à des difficultés à penser leur situation de travail. Du coup, elles en font toujours plus mais avec le sentiment que cet effort n’est pas récompensé. La plupart du temps, les critères d’évaluation et les formes d’organisation ne sont pas stables. Dès lors, on ne reconnait pas leur investissement personnel et le travail perd son sens. Les auxiliaires de puériculture, les éducatrices de jeunes enfants et parfois mêmes les directrices se sentent fatiguées par leur travail. Cela se traduit, pour les unes auprès des enfants et leurs parents, et pour les autres dans leur projet d’établissement à écrire et la justification des statistiques, des chiffres à commenter en capacité d’accueil. Le rendement apparait alors comme la mesure clé de l’avenir d’une crèche.
L’analyse de Pratiques pour prévenir les crises dans le secteur de la petite enfance :
Ne plus se sentir capable de prendre en charge de jeunes enfants est une plainte récurrente chez les professionnels. Ici l’analyse de pratiques prend toute son utilité pour l’équipe de travail. Ces ressentis, en effet, sont souvent évoqués dans les temps de réunion puis lors de l’analyse de pratiques.
Travailler en institution ne conduit il pas souvent, de façon paradoxale, à vivre son malaise dans un grand isolement ! Ne pas oser “dire” sa propre souffrance au sein du travail en équipe.
Il me paraissait important d’évoquer ces difficultés, cette violence institutionnelle et d’amener le GAP à réfléchir sur les causes, les injonctions et exigences contradictoires dans le management d’établissements d’accueil petite enfance. Pour la psychanalyste que je suis, “souffrance et travail” est incompatible, donc réussir à vivre ce questionnement en analyse de pratiques est un moyen de prévention des facteurs de souffrance au travail, à condition qu’un cadre soit bien mis en place, et la démarche bien expliquée, afin de garantir des échanges constructifs. Le GAP peut alors vivre le plaisir de penser ensemble pour une meilleure ambiance de travail et une meilleure qualité de l’accueil des jeunes enfants.
De l’apport de la Méthode Balint
Il est admis que les groupes Balint ont posé les bases du fonctionnement des groupes d’analyse de la pratique. A l’origine, destinés à des médecins, le docteur Balint, psychanalyste, les a créés pour permettre à ceux-ci de travailler la dimension relationnelle avec le patient. Groupes de parole, ils s’appuient sur la libre association des idées entre les participants. Aujourd’hui, ce dispositif s’étend à l’ensemble des métiers dans le domaine médico-social et éducatif, afin de mettre en jeu des pratiques du “lien” à l’autre.
Les groupes d’analyse de Pratiques offrent un espace de travail afin de mener une réflexion autour de la relation de soin et d’accompagnement; ils permettent aussi de déconstruire les certitudes et croyances pour être au plus près du public accueilli, c’est à dire les enfants et leurs parents dans ce cas. Enfin La méthode Balint a pour fonction de soutenir la singularité de chaque professionnel, lui proposer un lieu à lui, ou déposer ses émotions , soutenu par le groupe, afin de travailler sa place dans son milieu professionnel.
Dégager des pistes de réflexion sur ses pratiques, c’est envisager peut-être d’autres attitudes professionnelles qui pourraient permettre d’améliorer l’accueil de chaque enfant au sein de la structure petite enfance.
Myriam Aufranc – Psychanalyste – Supervision & Analyse de pratiques
Crédit photo : Image par bethL de Pixabay
- Myriam Aufranc psychanalyste, intervenante en groupe d'analyse de pratiques
- myriam.melnotte@orange.fr
Dispositif d’analyse des pratiques, petite enfance, Crèches, Assistantes Maternelles