Réflexion autour de l’analyse des pratiques
Imaginaires et émotions à l’œuvre…
La pratique professionnelle correspond ni plus ni moins à une représentation « aboutie ». Le faire ne peut être sans penser le faire. Quand un professionnel fait une toilette par exemple, il ne fait que retranscrire sa propre réalité bio psycho sociale. Il la réél-ise en quelque sorte.
Ce lien entre pensée et acte est central dans la compréhension et l’approche des situations en analyse.
Mais quand une pratique se répète à l’infini la représentation s’enkyste dans un mouvement de perte de soi ; faisant en sorte que tout ce que « la matière pensée » se réduise à l’expression d’une pratique mécanique, minimaliste.
Dés lors le sujet est lui-même actée, dépendant, impuissant, aliéné dans d’irrationnelles conditions de choses à faire ; il produit la machine à faire, le pansement du résident.
Il y a des processus actifs au fondement de l’action. Parmi ceux-ci une part importante revient à l’imaginaire et aux émotions. Comment en effet ne pas imaginer la pratique dans un champ de possibles multiples et infinis, la relier à des hypothèses les plus folles même ?
Une pratique professionnelle trouve sa limite dans l’activité du travail prescrit, posé, imposé. Autrement dit dans les missions qui incombent au professionnel. Quand bien même il imagine des pistes autres – dans l’accompagnement des personnes- l’action a lieu dans un cadre défini, donc formel.
Au quotidien, deux niveaux s’entrechoquent ; à la fois imaginer autrement, activer ce qui est latent, caché, dissimulé, aller chercher au plus lointain une hypothèse par exemple, et d’un autre côté rationaliser, acter, donner corps et sens dans un périmètre prédéterminé par avance.
Contradiction s’il en est mais contradiction nécessaire. La pratique cesse d’exister au moment même où elle agit. Elle peut cependant revivre dans la mémoire, le souvenir, les émotions d’une situation vécue, douloureuse. Car les émotions subsistent, elles, comme processus en « veille permanente ».
Le projet alors n’est plus de construire une pratique, mais bien de déconstruire la dite pratique sachant qu’elle n’est pas – encore- dans l’esprit de celui qui pratique.
Quête sans fin, comme tout travail inscrit dans la relation d’aide. Il est intimé où fortement conseillé de mettre en œuvre des bonnes pratiques. Mais l’œuvre renvoie à l’imagination et ne peut se défaire d’une zone d’ombre.
Ainsi, les fameux référentiels dits de bonnes pratiques enferment la pratique dans un « cadenas » répétable et confortable à l’infini.
Il n’y pas où plus de place à l’imaginaire dans ce décor millimétré par la construction d’une œuvre de référence. A laquelle il manque finalement de définir ce qu’est une mauvaise pratique pour exister comme objet réel/référent (référent de qui, de quoi ? sinon de l’ordre établi).
Personne ne veut ni ne doit « panser » en lieu et place de l’autre. Évidemment l’a.m.p ne peut étouffer les cris du déficient mental en lui enfonçant un torchon dans la bouche!
Car, en fait, c’est bien de cela dont il s’agit. Et l’enjeu est là dans tous groupes d’analyse de la pratique. Laisser place à la catharsis imaginative ; celle qui permet de hurler que l’on en a marre, ras le bol, des résidents et de leur irrationalité. Celle qui laisse dans les échanges une liberté totale à l’imaginaire, une libération des émotions.
Il ne peut y avoir de limites à ce niveau : laisser les professionnels exprimer leur ressentis les plus morbides dans un mouvement de va et vient incessant entre « j’imagine » et « je ressens » (entre « je supporte et je craque »).
Bien des équipes sont confrontées à ce double sens inexprimable. Car incorrect et à contre courant de ce qu’il est sagement recommandé par ailleurs. Pour autant, si l’on y regarde de plus prés, la santé même des équipes passe par ce postulat simple : plus je lâche, plus je vais mieux ; plus je retiens et plus je risque.
Nous devrions inventer de nouvelles pratiques pour aider les équipes car nos concepts (et conceptions) de l’analyse des pratiques sont surement insuffisant dans l’exploration des imaginaires. De plus, les scènes – où situations – que l’on nous rapporte se heurtent toujours à des écueils de taille : mémoire sélective, séquençage, raison, lois, peur etc. Justement, la peur !
Débutons par la peur et nous imaginerons le reste ensuite….
Cet article introduit un travail à venir sur la conception d’un nouvel outil nommé « Le praxirole » dont le fondement est la dyade imaginaire-émotion…