Pour une supervision d’équipe orientée solutions
Animateur de sessions d’analyse de la pratique et/ou de supervision d’équipe depuis 40 ans, psychologue clinicien, formé en systémie, je suis régulièrement confronté aux représentations des commanditaires en matière d’intervention. Ceux-ci, cadres travailleurs sociaux formés depuis de nombreuses années pour la plupart, par des formateurs eux-mêmes adeptes d’anciennes théories. Dès lors, ils ont des idées précises sur la méthodologie de l’analyse des pratiques ou de la supervision d’équipe, sans en avoir pourtant animé une seule.
En voici quelques règles :
- Pas de prise de notes.
- Pas de gratifications orales (exit les cafés, gâteaux et chocolats).
- Abstinence (pas de contacts avec les participants en dehors du groupe ni avec les commanditaires).
- Participation de la hiérarchie au groupe exclue.
- Pas d’obligation de participation.
La méthodologie, pour simplifier, comprenant comme dans la cure analytique le principe de l’analyse du transfert/contre-transfert. Cette conception, historique est devenue, au fil des années, le mètre-étalon des dispositifs réflexifs. Toutefois, il est important d’avoir en tête qu’il ne s’agit que d’un modèle et qu’il en existe d’autres.
Il va donc être important pour le commanditaire de commencer à définir clairement les objectifs. Il pourra ainsi vérifier soigneusement que le référentiel mis en œuvre par l’intervenant choisi correspond bien aux objectifs poursuivis.
Les apports d’une approche systémique en supervision d’équipe
Parmi les autres approches on trouve l’approche systémique. J’utilise donc cette théorisation, sans exclusive, pour animer de très nombreux groupes de réflexion professionnelle, quelques soit les noms qu’on leur donne. Je voudrais modéliser ici et exposer un peu ma méthodologie d’animation de groupes avec ce référentiel théorique.
Il faut tout d’abord savoir, pour faire court, que la systémie (à l’origine, entre autres de l’écologie et de la cybernétique) a connu deux périodes fortement délimitées. La première va approximativement de l’immédiate après-guerre jusque dans les années 80. Une brusque césure s’opère avec le courant du constructionnisme social, à partir de cette période. Leur application en supervision permet d’aborder les choses de manière sensiblement différente. (on a définitivement abandonné l’expression d’analyse des pratiques, assez connotée)
L’approche processuelles et stratégiques…
Les approches processuelles et stratégiques, expérientielle symbolique, structurale, etc. puisque de nombreuses écoles systémiques s’entrecroisent en bonne intelligence. ainsi, elles permettent de s’intéresser au client (on ne parle plus de patients, trop « désignant »). En effet, elles considèrent les difficultés redondantes, voire les « symptômes » comme autant de tentatives de solutions, dans lesquelles la solution devient problème. L’intervention d’aide, aussi bien dans un cadre dit « thérapeutique » que de groupe réflexif consiste donc à bloquer les solutions inhibitrices, pour réactiver la recherche de solutions alternatives. Je me propose de développer cette approche dans un nouvel article prochainement.
L’approche orientée solutions
L’approche orientée solutions, consiste, elle, à amener le client ou le groupe, après avoir défini le problème ou l’objectif, à réaliser qu’il s’agit d’une réalité construite, principalement à l’aide de mots. Les jamais, toujours, etc… expriment des points de vue, des représentations, non une réalité « objective ». Des solutions existent à certains moments, tout comme les variations d’intensité, des moments où le client a déjà trouvé des solutions. Le travail de l’aidant consiste donc, en usant de techniques simples et peu nombreuses, à faire repérer, puis amplifier les solutions existantes. La remise en route de ce processus fait ensuite boule de neige en amenant le client à produire plus de solutions.
Supervision d’équipe et intelligence collective
Ce qui est remarquable dans cette approche et fort nouveau, c’est tout d’abord son horizontalité: super-vision ne suppose pas ici de hiérarchie de compétence ou de posture. L’animateur n’a pas de savoir sur les participants (interprétation). Le préfixe « super » ne fait que renvoyer à un niveau logique supérieur. Il travaille à un niveau « méta », méthodologique et n’a pas de solution à proposer. « Le participant, le groupe, héros de sa supervision » pour plagier le titre d’un livre de Duncan et Miller est acteur et c’est lui qui fait le travail. Les améliorations potentielles dans le champ professionnel leur sont entièrement attribuables et à eux seuls. La question de la dépendance et de la « guruisation » de l’intervenant est réglé à 90%.
En systémie, le contenu est centré, non sur la personne du participant (ce qui relève de la psychothérapie) ni sur l’usager (ce qui serait de l’analyse clinique), mais bien sur l’interaction entre les deux et sur ce qui peut être changé à l’avenir (action). Cela, plutôt que sur la soi-disant compréhension (passé-présent) qui ne produit pas de changement. Le groupe, activateur de solutions multiples, rhizomiques, foisonnantes et ne s’opposant pas, produit une activité quantique (différente du 1/0). On la nomme intelligence collective. C’est celle qui permet aux abeilles de générer des rayons formés de cellules hexagonales parfaites sans abeille-architecte ou abeille-chef de chantier !
Évidemment, dans le cadre de ce court article, il est impossible de définir plus précisément la méthodologie. Peut-être cet écrit donnera à d’autres l’envie de rebondir, de me contredire, d’enrichir le propos. C’est ce que je souhaite.
Jean Pierre ERNST – Psychologue consultant – En savoir plus…
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- Jean-Pierre ERNST
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