Poser un cadre en Analyse des Pratiques Professionnelles – Vidéo
Bonjour à tous. Bonjour à tous! Aujourd’hui, on va profiter un peu de ce beau temps pour sortir du cabinet et évoquer ensemble un sujet qui est particulièrement important en analyse des pratiques professionnelles. Je veux parler du cadre. C’est parti.
Pourquoi parle t-on de cadre en analyse des pratiques professionnelles?
A quoi cela sert-il d’en mettre un en place?
Eh bien, il faut bien comprendre que mettre en place un groupe de participants qui se côtoient au quotidien, dans les mêmes couloirs, dans les mêmes salles de réunions, autour des mêmes problématiques d’accompagnement ou de suivi, ce n’est pas si simple. Ce n’est pas si simple, en fait, de les faire se sentir suffisamment en confiance pour qu’ils se disent que dans cet espace là, parce qu’on est en analyse des pratiques, alors on va pouvoir oser un peu plus que d’habitude, évoquer les sujets qui nous mettent en difficulté et parler finalement de nous, de notre vécu.
Si habituellement, on ne le fait pas, c’est qu’il y a des raisons. Si on n’ose pas aborder des choses plus intimes, c’est qu’on a peur de certaines choses. Et les choses dont on a peur. Je vous le donne en mille ! Ce sont les choses auxquelles nous sommes soumis en règle générale dans les groupes humains, la critique, le jugement. Et quand les gens sont un peu moqueurs, ce n’est pas de la malveillance, mais ça peut être finalement de la taquinerie.
Tout cela, évidemment, n’a pas sa place en analyse des pratiques professionnelles. Nous prétendons être dans un espace sécurisé où la parole est libérée et où on peut mettre en mots, oser mettre en mots ce qui nous agissent, qui nous bouleverse ou ce qui nous met simplement inconfortables ou en difficulté. Pour faire ça, on va donc mettre en place un cadre avec finalement des règles de base que chaque participant va être invités à respecter pour favoriser un climat de confiance. Finalement, on pourra avoir confiance dans le fait que les autres ne vont pas nous juger. Justement, ne vont pas nous critiquer, ne vont pas dire du mal de ce qu’on fait ou de ce qu’on pense. Alors pour faire ça, c’est très simple. On définit en gros quatre règles fondamentales.
La première règle, c’est la confidentialité.
Que tout ce qui se dit et tout ce qui se vit à l’intérieur du groupe reste à l’intérieur du groupe. Cela évite aux personnes d’avoir peur que ce qu’elles vont dire, que ce qu’elles vont exprimer, que ce qu’elles vont explorer et même ce qu’elles vont vivre en explorant cette situation ne soit répété à d’autres à l’extérieur, ne soient déformées éventuellement qu’on en rigole ou que ça ait des conséquences négatives pour elles, pour la suite de leur activité ou même pour le fait de se sentir bien à l’intérieur de l’équipe.
La confidentialité, c’est donc un point fondamental auquel je ne peux absolument pas déroger sans ça, et sans la confiance aussi que les participants vont avoir en moi, en tant qu’animateur, sans la confiance, que je ne vais rien dévoiler de ce qui se passe à l’intérieur du groupe, à l’extérieur du groupe et notamment à la direction, aux chefs de service ou aux commanditaires.
D’une manière générale, sans cette confiance là, les gens ne vont simplement pas oser. Ils vont aborder les situations d’une manière un peu détachée, comme si c’était arrivé à quelqu’un d’autre. Mais ils ne vont pas être vraiment présents à ce que ça leur fait ou en tout cas, oser mettre des mots réels sur les situations.
La deuxième règle importante, c’est la règle du non jugement.
Celle là aussi, j’y tiens beaucoup. Elle consiste à finalement se dire tout simplement que ce que je pense, mes critères d’évaluation, ce qui est bien pour moi ou mauvais pour moi, et bien ça s’applique à moi. Mais ça s’applique pas forcément à l’autre.
Ça signifie qu’il est libre de ressentir les choses comme il les ressent, de penser les choses comme il les pense et de dire les choses comme il dit. Ça ne m’appartient pas de juger ou d’évaluer le vécu d’une autre personne. C’est même d’ailleurs un peu impossible de le faire parce que ce qu’on vit, on ne le choisit pas. On choisit pas de vivre les choses de telle ou telle manière. Ça s’impose à nous. L’expérience qu’on fait d’une situation, ce n’est pas quelque chose de choisi sur lequel on a du pouvoir. Ça se fait, c’est tout. Ça s’impose, donc on ne peut pas dire à quelqu’un qu’il a tort de penser les choses de cette manière de vivre les choses de cette manière ou de ressentir telle ou telle émotion en présence de telle ou telle situation.
Si on a l’assurance que quand on va parler, notre parole va être accueillie, acceptée et qu’elle ne va pas être critiquée. Alors on va oser la dévoiler, mais aussi on va oser se la dévoiler à soi même parce qu’on n’en aura pas honte, parce qu’on n’aura pas honte d’être déçu d’une situation, d’être triste d’une situation ou encore d’être en colère d’une situation.
Le fait de se sentir accueilli par les autres, de se sentir légitime dans son vécu, eh bien, ça aide aussi à se le dire à soi même. Que finalement, on a raison de ressentir les choses comme ça, qu’on ne peut pas faire autrement et quand on est dans le réel, quand on est confronté à la réalité de son ressenti, alors on peut le dépasser, alors on peut trouver des leviers d’action qui sont tout aussi réels. C’est pour ça que la règle du non jugement est une règle à laquelle je tiens beaucoup.
Il ne s’agit pas juste d’être gentil. Il s’agit d’accueillir la parole de l’autre en lui accordant sa véritable valeur, une valeur au moins aussi importante que la nôtre.
La troisième règle, c’est la règle du respect.
Le respect, c’est vrai que c’est un terme qui est un peu fourre tout, dans lequel on peut tout mettre. Le respect, pour moi, il a deux dimensions à l’intérieur d’un groupe d’analyse de pratiques. Le respect des autres. Je respecte l’autre quand je ne lui coupe pas la parole, quand je ne parle pas à sa place. Quand je respecte son rythme de parole, je ne termine pas les phrases qu’il a commencé. Tout le monde ne s’exprime pas de la même manière. Il y a des gens pour qui la parole vient après la pensée, c’est à dire que j’ai mon idée en tête, puis ensuite, je l’exprime. D’autres personnes, c’est l’inverse qui commence à parler et leur pensée se formule petit à petit. Donc, ça se respecte, je veux dire, ce sont des rythmes différents, mais pas un qui mieux que l’autre. Il suffit juste de s’accorder.
Et puis, le respect d’autrui, c’est aussi de se mobiliser et d’être vraiment là, de ne pas être en même temps sur son téléphone, de ne pas se lever et d’interrompre un témoignage en cours toutes les cinq minutes. Bref, il y a des règles qu’on va co-définir ensemble à propos du respect mais les fondamentaux, vous les connaissez probablement déjà.
Et puis, il y a le respect de soi. Il y a le fait d’oser finalement ne pas parler quand on en a pas envie ou d’essayer d’oser quand c’est le temps, quand on peut s’exprimer et d’essayer d’oser dire ses réactions, dire des choses, oser dévoiler ce que ça nous fait vivre ou oser aussi apporter son expérience, notamment dans le temps. 3. dans le “si j’étais dans cette situation” où on est invité justement à s’y projeter. Donc, se respecter, c’est à la fois oser quand on a envie de parler et à la fois respecter le fait que des fois, on n’a pas envie de parler. Et ça, ça fait une sacrée différence parce que si vous vous sentez contraint, d’une manière ou d’une autre, contraint de parler, contraint de réagir, eh bien vous le faites moins, par définition.
La quatrième règle importante, c’est la règle de l’écoute.
Enfin, la règle n’est pas la plus importante parce que les quatre sont importantes, mais celle là, elle est quand même particulièrement centrale dans l’analyse réflexive des pratiques professionnelles, c’est la règle de l’écoute.
J’associe l’écoute à la bienveillance, même si le terme bienveillance a été vraiment très, très galvaudé. Je vais essayer de l’expliquer en deux secondes. Qu’est ce que c’est pour moi, la bienveillance? Techniquement, c’est veiller au bien de l’autre et veiller au bien de l’autre en APP ça veut dire être disponible, se mobiliser pour l’aider à mettre en mots les choses qu’il vit, à dépasser les situations qui le mettent en inconfort ou en difficulté et à se sentir mieux. C’est ça mon rôle, en fait. Et donc, la bienveillance, c’est cette énergie de se mettre au service de l’autre, de vouloir son bien vouloir qu’il se sente mieux et ne pas vouloir le classifier, le catégoriser ou même le soumettre, le convaincre qu’il faudrait faire comme si ou comme ça.
Et puis l’écoute. Et bien, ça demande de se mobiliser. On écoute pas une personne qui est en train de parler d’une situation professionnelle qui la met en difficulté, comme on écoute notre ami qui nous raconte ce qu’il a fait le weekend dernier. Il y a quelque chose de nous à mobiliser parce qu’on va essayer de faire de la place pour l’autre, de la place pour son vécu. On va essayer de mettre un peu de côté, ce que ça nous fait vivre à nous, au moins pour un temps, pour essayer d’entendre ce que dit l’autre. Et on va essayer aussi de finalement discipliner un peu nos réactions, c’est à dire” oh là là, ça me déplaît ce qu’il dit”, “Oh là là, oui, j’adore ce qu’il dit” ou “ah là là, ça me rappelle des choses que j’ai déjà vécu”. Tout ça, on va essayer de le mettre pour un temps de côté et donc ça demande de l’énergie de faire ça. Ça demande de l’énergie que d’être vraiment très attentif, de ne pas penser en même temps à sa liste de courses ou à ce qu’on va faire le weekend prochain.
Bref, la mobilisation dans l’écoute, c’est quelque chose que j’essaye de poser dans le cadre pour que les gens, les participants en soient conscients dès le départ. A mon sens, ça aussi, ça renforce un peu la confiance parce que les gens vont se dire que ce qu’ils vont mettre finalement dans le groupe, l’énergie qu’ils vont mettre dans le groupe, le groupe va leur rendre.
Donc, si on résume, le cadre repose sur quatre règles la confidentialité, le non jugement, le respect, et l’écoute bienveillante. Avec ses quatre piliers ont constitue un groupe qui, petit à petit, va se faire à force d’expériences de groupe, à force d’évoquer des situations, de voir ce que ça fait, de voir comment les uns et les autres se comportent et comment moi je facilite tout ça, le groupe va petit à petit prendre confiance, prendre confiance dans les participants, dans la constitution du groupe et donc on va pouvoir petit à petit libérer la parole. Les gens vont oser de plus en plus prendre l’espace pour travailler des situations. Il vont oser de plus en plus faire face à des vécus difficiles, à des choses qui les mettent en émotions. Et petit à petit, le groupe va progresser, tout simplement. Chacun va se sentir plus à l’aise. On a l’habitude de dire que la confiance ne se décrète pas. Effectivement, elle se décrète pas. Ce n’est pas parce que on crée un groupe qu’on dit qu’il y a des règles qu’on présente le protocole qu’on pose le cadre que ce groupe va fonctionner et que la confiance sera là tout de suite. Ça n’est pas vrai. Il va falloir l’éprouver la confiance, en faire l’expérience. Et pour ça la tenue du cadre doit être impeccable. Finalement, si en tant que facilitateur je fais la police de ce cadre et que les participants sentent qu’il est respecté et que dès lors qu’il ne l’est pas, hop, il y a quelqu’un qui les repositionne toujours gentiment, toujours dans l’objectif de le faire sentir à l’autre l’intérêt, finalement, des règles du cadre. Mais chaque fois que je fais ça, eh bien, ça renforce encore la confiance dans cet espace.On peut s’exprimer sans risque d’être jugé, d’être critiqué ou d’être considéré comme un mauvais professionnel.
Eh bien voilà, cette vidéo est maintenant terminée. Je vous remercie de l’avoir suivi. J’espère que le sujet vous aura intéressé et que vous aurez appris quelque chose aujourd’hui. En attendant, je vous dis à bientôt, je vous retrouve dans une prochaine vidéo…
Je vous souhaite une bonne journée, soirée nuit, en fonction de l’heure à laquelle vous regardez et je vous dis à bientôt.
Florent Berthéas – Intervenant en analyse des pratiques, Formateur, Psychopraticien – Lyon
Cadre, Ecoute, confidentialité, Règles de fonctionnement, Respect, Non jugement