Les origines de la supervision et de l’analyse de pratiques
Un peu d’histoire !
Il est une idée en vogue, et qui existe depuis longtemps : l’approche psychanalytique ne serait d’aucun secours dans les pratiques sociales et médico-sociales, voire elle serait nocive. Or, si travail social/médico-social et psychanalyse sont séparés, ils sont pourtant liés. L’analyse de pratiques professionnelles et la supervision d’équipes viennent de la psychanalyse et peuvent y trouver nourritures affectives, pratiques et théoriques. Comment ça ?
1. Psychanalyse et travail social
C’est grâce à la psychanalyse naissante que les dommages psychiques générés par la première guerre mondiale commencèrent petit à petit à avoir un accueil autre que celui d’accusations de simulation, ou de diagnostic d’ »hystérie de guerre » traitées par les fusillades ou les électrochocs.
Au 5ème Congrès International de la Psychanalyse à Budapest, organisé à l’initiative de Ferenczi, le principe de l’accès à la psychothérapie pour tous fut voté avec enthousiasme (septembre 1918).
L’idée de cliniques dans lesquelles les patients pourraient se soigner gratuitement rencontrait à la fois les idées sociales réformatrices et révolutionnaires de l’après-guerre, et les conditions matérielles et psychologiques précaires dans lesquelles vivaient les gens firent que les patients ne venaient plus seulement des classes privilégiées.
En février 1920, s’ouvre la première polyclinique de psychanalyse à Berlin. La liste des psychanalystes qui consacraient 1/5ème de leur temps à ce travail est éloquente : K. Abraham, P. Federn, O. Fenichel, E. Jacobson, K. Horney, E. Fromm, W. Reich, M. Klein, E. Simmel, M. Eitingon … Deux ans et demie après, 700 personnes, de 6 à 67 ans, avaient été admises, dont la moitié avait bénéficié d’une psychothérapie.
En 1922, est fondé l’Ambulatorium à Vienne, intégrée à la clinique universitaire. Il y était presque impossible de faire face à l’afflux de patients. Entre 1922 et 1931, des centaines et des centaines de patients de tout âge y furent traités pour maladies psychosomatiques, phobies et dépression. Y oeuvrent, notamment, Aichhorn, Anna Freud, H. Deutsch, P. Federn, W. Reich…
2. Psychanalyse, travail social, médico-social, éducation et supervision
Jung est le premier à avoir soufflé à Freud l’idée de la nécessité d’une cure analytique pour tout analyste. Ferenczi affirmera que la résistance au travail analytique se situe toujours du côté de l’analyste. L’idée de la supervision était née : Que dire et faire des affects engagés dans le transfert ?
Les analystes de la Polyclinique de Berlin éprouvent la nécessité de disposer hors cure analytique d’un espace d’élaboration de la relation transférentielle dans le travail avec les patients. L’idée de la supervision est née, dont s’inspireront, dans le champ social et médico-social, toutes les formes de supervision et d’analyses de pratiques professionnelles.
C’est sur ce fond de pratiques analytiques et sociales qu’August Aichhorn, un ancien éducateur et directeur de jardin d’enfants, développe au cours de ses conférences publiques de 1925 un modèle psychanalytique d’aide aux adolescents en souffrance et délinquants1 : il fait des conduites anti-sociales des ados l’équivalent du symptôme dans la cure individuelle, symptôme d’avoir été laissé tomber par les adultes, et de « s’être laissé tomber »2, et repère le transfert dans la relation éducative.
Anna Freud, quant à elle, dans une série de conférences sur la relation entre Education et Psychanalyse, s’adresse ainsi, en 1930, aux éducateurs des foyers d’accueil de Vienne : « Si vous vous êtes décidés à assister à mes conférences, c’est que peut-être sans fondement précis vous devez avoir l’impression qu’une meilleure connaissance de la psychanalyse pourrait vous être de quelque utilité dans votre tâche difficile » puis « Votre position privilégiée, tout en permettant une connaissance intégrale des différents cas, comporte également des inconvénients. Votre fonction d’éducateurs de maison d’enfants vous impose – tout comme aux instituteurs et aux jardinières d’enfants- une action ininterrompue. La vie et l’animation dans vos classes et dans vos groupes exigent votre perpétuelle intervention. …. Mais pour une telle synthèse explicative des éléments en présence, peut-être vous manque-t-il autre chose que l’occasion…. »3 .
1August Aichorn, Jeunes en Souffrance, Psychanalyse et Education Spécialisée (2ème Edition), Edition du Champ Social, 2005, Préface de Sigmund Freud 2 Joseph Rouzel, La supervision d’équipes en travail social, Dunod, 2007. 3 Anna Freud : « Initiation à la psychanalyse pour éducateurs », Collection Regard
Catherine FARZAT
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