La médiation audio-visuelle, des images pour mieux se parler.
Quand utiliser la Médiation Audio et Visuelle dans l’accompagnement d’équipe ?
En tant qu’accompagnateur d’équipe, je suis souvent confronté à la problématique de la qualité des relations humaines dans le contexte du travail et de leurs conséquences sur le bon fonctionnement de la structure. J’interviens alors avec des moyens habituels et classiques. Mais certains participants peuvent se sentir moins à l’aise pour parler en groupe. Ils peuvent avoir des difficultés à mettre des mots sur leurs ressentis. Une forte timidité, peu de vocabulaire, des capacités cognitives insuffisantes, un manque de recul face à leur vécu professionnel, sont autant de raisons pour que certains collaborateurs optent pour le silence.
Dans ce genre d’impasse, la Médiation Audio et Visuelle (MAV) facilite l’ouverture du dialogue car le son et l’image animée sont généralement, et depuis longtemps, fortement intégrés dans le quotidien des participants. Avec l’omniprésence de la télévision, cinéma, Internet, radio, le groupe baigne quotidiennement dans un environnement sérieusement auditif et visuel. C’est en cela, que cette technique se révèle être un support de facilitation intéressant.
Après une diffusion de film ou de podcast, les participants peuvent s’identifier aux personnages, reconnaître des situations vécues. Le phénomène d’identification est pour moi l’occasion d’aborder autrement la gestion du groupe, d’ouvrir des perspectives qui permettent des projets d’accompagnement personnalisés pour chaque équipe et ainsi contribuer à leur développement en les aidant à repérer leur potentiel et à avancer malgré les obstacles. La méthode fournit alors, un accompagnement en douceur où les messages importants peuvent se transmettre naturellement, efficacement et parfois même dans la bonne humeur.
Comment utiliser la MAV dans l’accompagnement d’équipe ?
Être à l’écoute: Je disais précédemment que « le groupe baigne tout naturellement dans une ambiance fortement auditive et visuelle ». C’est donc, en toute logique, que celui-ci échange dans des moments informels, sur un film qu’il a vu, un podcast entendu, une émission télé.
À leur écoute, je suis informé sur ce qui unit ou éloigne les membres du groupe.
C’est une première occasion pour moi de découvrir les valeurs, les principes, les préoccupations des individus présents. C’est l’expression d’une première modélisation de leur paradigme. Cela semble peu, et pourtant ces informations sont importantes car le processus de médiation s’élabore à partir d’un lien étroit entre les thèmes du film à voir et ce que l’on peut observer dans le groupe pour alimenter les réflexions et les dialogues internes et inter-participants. C’est un premier regard sur la manière propre à chacun de voir les choses et leur fonctionnement.
Les supports ont été choisis et diffusés : Après la diffusion du film ou des podcasts choisis, la première facilitation est de faire parler le groupe sur leurs ressentis. Les participants parlent du film, de leurs réactions et pour celui qui sait écouter, ils parlent d’eux-mêmes.
Cette façon de faire est un bon outil pour créer du lien. Les échanges sur le film et entre participants sont des occasions pour attirer l’attention sur les ressources mobilisées par les uns et les autres pour s’intégrer dans l’équipe. En complément des autres modes de communication, ce procédé se révèle être un langage tantôt âpre, parfois équivoque, supportant les affirmations des uns et les doutes des autres, et cela pour rendre la relation plus plaisante.
Elle est l’occasion dans un groupe, d’une découverte mutuelle des différents points de vues dans une approche libre de leur vérité. La diffusion d’images et de sons favorise et invite à l’observation, à l’échange, à la confrontation des points de vue. La parole à cet instant circule dans les règles pré-établies, de respect et d’écoute. Elle est également écrite pour garder une mémoire avec laquelle nous travaillerons ensuite.
Cette technique est révélatrice des relations dans le groupe: Toute la finesse pour moi, sera de ramener à l’actualité relationnelle du groupe, tout ce qui a été observé et exprimé par les participants. Constater ensemble que si le groupe est dysfonctionnel, c’est qu’il est certainement arrivé aux limites de son actuel paradigme.
Cette pratique révèle au groupe, les points communs et aussi les points divergents. Ces derniers sont des freins aux changements et des obstacles à l’introduction à de nouvelles formes de pensées.
Cette manière de procéder amène alors à réfléchir sur l’avenir et pour cela, à capitaliser sur les points forts du groupe. Elle révèle à celui-ci, le besoin de trouver de nouveaux points de cohésion pour une future transformation. La nécessité de co-créer un autre paradigme différent du précédent. Muer pour continuer d’être vivant !
Et après ?: Après cette étape importante d’observations des résistances aux changements, j’invite le groupe à créer ses propres “champs des possibles” pour l’avenir de ses relations au travail: comme une sorte d’ébauche de scénario commun auquel chacun participe.
Puis, je stimule et invite à co-développer des pistes de réflexions. Ainsi, le groupe évolue sur sa propre histoire en mettant en perspective ce qu’il a vu avec ce qu’il vit. Il élabore et visualise ce que son avenir pourrait être en discutant de leurs intentions dans un cadre sécurisé qu’ils ont su au préalable définir.
La communication dans le respect de l’autre est essentielle et permettra au groupe de grandir. L’objectif de cette séance est de trouver les ressources pour transformer les obstacles par l’échange de mots, de symboles, par leur choix de posture.
Ces ateliers aident à transcender les obstacles qui empêchent une bonne cohésion dans son propre groupe. Ils illustrent un propos théorique, ils font découvrir de nouvelles notions, ils permettent d’intégrer l’idée d’une transformation propice et nécessaire pour l’avenir du groupe.
Consignes pour l’utilisation de la MAV.
Co-établir le cadre: Ces règles aident à construire la confiance nécessaire à chaque travail de groupe. Elles sont réfléchies et élaborées en collaboration avec tous.
Généralement, il ressort:
- En premier lieu, la règle de confidentialité.
- Puis, celle du choix libre des sujets à aborder. Contredire l’idée que le choix dépendrait d’une seule personne.
- Que tout peut se dire et se faire dans le strict respect de l’autre.
- Qu’il est recommandé de parler à partir de son « Je ».
- Que la moquerie et le jugement ne sont pas admis dans ce travail en équipe.
Les supports proposés: Tout d’abord, aider le groupe à trouver sa ou ses problématique(s): qu’il définisse en quoi je peux les aider. Ce travail de mise en lumière des résistances de l’équipe et la recherche de documents visuels et/ou sonores à trouver, donnent déjà une idée du niveau de cohésion et des besoins de l’équipe.
Je fais réfléchir l’équipe sur le film, le documentaire, le reportage, ou le podcast qui illustrent le mieux leur(s) problématique(s) et le cas échéant leurs besoins. L’équipe participe à trouver les supports et avec mes connaissances cinématographiques et l’aide d’internet, cette étape est réalisable facilement.
Les images, les podcasts, une fois trouvés sont diffusés au groupe entier. J’ai aussi pris l’habitude d’envoyer sur les boîtes mail des participants, les supports trouvés. L’intérêt de cette pratique est de permettre à l’équipe de réécouter ou de revoir les extraits utilisés pour laisser une trace, pour raviver la mémoire de ce qui a été dit et, le cas échéant, revenir dessus lors du prochain rendez-vous.
Dans le même objectif, il est important d’écrire sur le paperboard, le sujet traité de l’atelier pour que chaque participant puisse avoir un point d’appui durant la séance. Le contenu du paperboard est également collecté pour être envoyé aux participants sur leurs boîtes mails.
Une fois diffusé, comment travailler à partir du support ? Même si l’équipe peut choisir les supports sur lesquels travailler, rien ne présage du contenu des réactions du groupe. Les choses sont parfois surprenantes et le résultat inattendu.
Mon travail est de faire jaillir et de recueillir la parole en notant sur le paperboard les avis, les impressions, les mots à chaud de l’équipe. Puis, lorsque la parole se tarit, je pose des questions pour les aider à pousser plus loin leurs réflexions. Je peux alors demander:
- Selon vous, que raconte cet extrait ?
- Qu’avez vous compris de l’enjeu de cette séquence ?
- Est-ce une situation que vous avez déjà vécue dans votre vie professionnelle ?
- De quel personnage seriez-vous le plus proche, et pourquoi ?
- En quoi cet extrait illustre-t-il la question d’aujourd’hui ?
- Quelles solutions pourriez-vous trouver à leur problématique ?
- Quel serait le premier pas pour que vous engagiez, dans votre travail, le mouvement nécessaire à une amélioration ?
Et plus concrètement ?
Voici un exemple concret qui explique comment je procède. Je le donne dans cet article, non pas pour être modélisant mais pour vous inviter à créer le votre, car le sur-mesure dans ce style d’intervention est de rigueur.
Le contexte:
Le commanditaire, responsable d’une entreprise d’aide à domicile, constate qu’il a un grave problème de communication et de compréhension avec une de ses équipes. Sa demande est, je cite: “Que j’aide l’équipe à exprimer son problème et à trouver la solution adéquate pour le dépasser”.
Je constate à force d’échanges que le besoin non exprimé est un besoin de reconnaissance de l’équipe.
Il se trouve que dans mon film “MÉTAMORPHOSE, LA PUISSANCE DE TOUS LES POSSIBLES”, il existe une séquence qui traite de ce sujet. Exceptionnellement, je propose de la montrer à l’équipe pour qu’elle observe comment il est abordé par d’autres.
La séquence utilisée de Métamorphose, débute à 30’30’’ et se termine à 41’33’’ dans la version 52’:
Dans cette séquence, les spectateurs sont face à une insatisfaction importante de la part de tous les membres d’une équipe suite à la mise en place, dans la structure, du concept managérial: les équipes autonomes. Deux personnes osent le dénoncer plus que toutes les autres.
Antoine est le Responsable de la structure. Il est aussi l’initiateur de ce nouveau concept de management qui déstabilise l’organisation interne.
Dans la séquence choisie, Antoine se trouve seul devant cette équipe mécontente d’auxiliaires de vie.
Cette expression d’insatisfaction a de fortes répercussions au sein même de l’équipe administrative. Elle se sent coupable de ne pas avoir su accompagner cette équipe sur le chemin de leur autonomie.
1 – Diffusion de l’extrait du film (durée: 11’33’’) –
2 – Après le visionnage:
Après la diffusion de cet extrait, la parole est libre. J’accueille et note sur le paperboard les réactions de l’équipe.
Pour faciliter les échanges, je peux aussi, après un temps silencieux, interroger l’équipe sur les raisons de ce silence. Puis continuer:
- Quelle analyse faites vous de la situation ?
- Que comprenez-vous ?
- Etes-vous d’accord avec l’analyse qui en est faite par l’équipe encadrante ?
- Avez-vous un avis différent et si oui quel est-il ?
- Que se passe-t-il pour vous dans cet échange ?
Je note chaque réaction et propos sur paper-board pour laisser une trace et l’utiliser plus tard.
Le mot “reconnaissance” émerge alors. J’interroge l’équipe sur ce qu’elle sait de la notion de reconnaissance au travail: “La reconnaissance: qu’est ce que c’est et à quoi cela peut-il servir ?”.
3 – Je donne quelques précisions après avoir écouté les propos de l’équipe:
“En tant qu’être humain, nous avons des besoins à tous les niveaux: physique, relationnel, psychique et émotionnel. Parmi tous ces besoins, deux prédominent, ils sont mêmes indispensables. Savez vous lesquels ? Le besoin d’être aimé et le besoin d’être reconnu. Ils sont aussi essentiels que notre besoin de manger chaque jour. L’absence de reconnaissance a des conséquences délétères sur nos relations avec les autres, sur la dynamique de groupe. Reconnaître une personne est un art trop peu connu. Tout manager efficient et tout patron devraient être à l’aise dans cet art de la reconnaissance. Cela fait partie d’une compétence de base du management. C’est probablement le levier le plus puissant de la structure. “
4 – Enfin, quand la parole devient vraiment rare, je propose une suite d’exercices :
Exercice @1
En petits groupes, je vous invite à donner une réponse aux questions suivantes (liste non exhaustive).
La restitution se fera en groupe entier.
- À quand remonte la dernière parole de reconnaissance que j’ai reçue ?
- De qui était-elle ?
- Quel en était le contexte ?
- Avais-je conscience des qualités et des valeurs personnelles que la personne me reconnaissait ?
- En ai-je découvert de nouvelles ?
- Quand je reçois une telle reconnaissance, que se passe-t-il en moi ?
- Que se passe-t-il pour lui ?
- Que se passe-t-il pour notre relation ?
- A quel constat cela m’amène-t-il ?
J’écoute et écrit sur paper-board les feed-back de l’équipe.
Je fais une synthèse des retours au groupe et leur demande s’il y a des choses à rajouter sur cet exercice-1
Exercice @2
En petits groupes, je vous invite à donner une réponse aux questions suivantes (liste non exhaustive).
La restitution se fera en groupe entier.
- Dans mon équipe, où en suis-je de ma pratique de l’art de la reconnaissance ?
- Est ce que je sais recevoir les compliments de mes collaborateurs ?
- Est-ce que je sais faire des compliments à mes collaborateurs ?
- Puis-je déterminer ce qui me retient ?
- Que dois-je mettre en place pour être de plus en plus à l’aise avec l’art de la reconnaissance ?
J’écoute et écrit sur paper-board les feed-back de l’équipe.
Je fais une synthèse des retours au groupe et leur demande s’il y a des choses à rajouter sur cet exercice-2
Exercice @3
Nous arrivons à la fin de cet atelier.
Je propose, au groupe entier de répondre aux questions suivantes (liste non exhaustive).
- Pourriez-vous me dire les conclusions et les décisions que vous prendrez pour la suite ?
- Comment pouvez-vous agir pour vous rapprocher de la situation idéale ?
- Que faudrait-il changer dans vos comportements individuels ?
- Que faudrait-il changer dans vos comportements d’équipe ?
J’écoute et écrit sur paperboard les feed-back de l’équipe.
Je fais une synthèse des retours au groupe et leur demande s’il y a des choses à rajouter sur cet exercice-3
L’apport de la MAV dans ces exercices.
La MAV apprend à se parler et à trouver des solutions aux situations professionnelles pourvoyeuses de blocages. Au cours de ces ateliers, l’équipe est amenée à prendre confiance en elle et à être le co-constructeur du dialogue et de son avenir.
Pour ma part, il est important de trouver le levier efficace qui fait sens et permet à l’équipe de se dire ce qu’elle ne s’est jamais révélé ou autorisé, dans le contexte du travail. Elle aide à mettre des mots quand ceux-là sont difficiles à cerner. Par son regard distancié et à la fois proche, elle est génératrice de réflexions, d’actions, d’initiatives car elle apporte et propose un regard différent et nouveau sur une situation vécue par le groupe au travail
En conclusion
C’est parce que l’audio et le visuel agissent si fortement sur la sensibilité et l’esprit humain, qu’ils peuvent être un levier vers la communication et le changement si nécessaire. Cette méthode aide à adopter un comportement, à décoder les relations, à interroger nos valeurs, à les faire évoluer dans leurs représentations. Ainsi elle permet le dialogue et évite les blocages.
C’est une opportunité pour créer un nouveau paradigme. Elle ouvre un champ des possibles dans tout travail d’accompagnement individuel et de groupe. « Les films les autorisent d’aborder des situations délicates », cite Fabienne Schoonheyt, responsable des animations à l’Hôpital Chêne aux Haies à Mons, puis elle continue, « Ils permettent de réfléchir à sa propre manière de gérer une situation, d’enrichir sa manière d’être à travers ce qui est montré à l’image mais aussi d’échanger son point de vue avec les autres participants/spectateurs ».
La MAV est à l’origine de cette énergie qui transforme l’inertie en mouvement.
Michel Akrich – Psychothérapeute et Réalisateur : www.ak-rich.com
Bibliographie:
- Gary Solomon, Reel Therapy, Lebhar-Friedman Books, 2001
- Gary Solomon, The Motion Picture Prescription, Aslan Publishing, 1995
- Edwige Antier, Pourquoi votre enfant rêve avec Disney ?, Robert Laffont, 1976
- Virginie Lemaire de Bressy, Cinémathérapie par les dessins animés, Ed Dangles, 2019
- Patrice Gilly, Le cinéma, une douce thérapie, Chronique sociale, 2015
- Gérard Bléandonu, La vidéo en thérapie : le choc de l’image de soi dans les soins psychologiques, ESF, 1986
- Yves Bouron, L’image de soi par la vidéo : pratique de l’autoscopie, Top Ed, 1998
- Robert Dilts, Être coach, De la recherche de la performance à l’éveil, Ed Dunod, 2018
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