Skip to main content
Lille, Paris, Strasbourg, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse, Bordeaux, Rennes…
Plus de 500 Professionnels au service des Equipes

Recherchez dans les articles

La grâce seule : L’athéisme de la position du psychanalyste dans l’analyse des pratiques

position psychanalyste GAPP psychanalyse

Nous arpentons un moment culturel ou les pratiques éducatives, de soins, sont invitées à ne plus se laisser polluer par le dire des praticiens, en faveur d’une écriture, pourquoi pas protocolaire, d’une démarche à suivre. Le moins que nous pouvons dire, c’est que ça ne marche pas. Non seulement ça ne marche pas, mais cela suscite un profond malaise dans les institutions ou la « faculté de lecture du réel de la clinique », s’abolit dans des affrontements sur l’identité des dépositaires légitimes du bien de l’autre. Dans ce contexte le recours à l‘analyse de la pratique ne se dément pas et très souvent la demande est simple : « pour que les gens puissent se parler ». Cet article se propose d’explorer les éventuels effets d’un travail d’analyse de la pratique ou se manifesterait du psychanalyste.

Si dieu ex-iste ?

Cette question d’un athéisme de la position du psychanalyste m’a amené à entreprendre des fouilles dans les séminaires de Lacan à la recherche de l’existence de Dieu. Je m’y suis frotté à partir d’une interrogation et d’un propos. Le propos est celui d’Angela Jesuino [1] : « que dans une séance d’analyse de la pratique, elle se tenait dans son fauteuil d’analyste ». L’interrogation est celle-ci : pourquoi un groupe d’analyse de la pratique ne semble-t-il pas pouvoir exister sans amour, un amour dont Lacan nous susurre qu’il est au pivot de l’expérience psychanalytique [2].

J’en viens à ce titre : « La grâce seule… ». Dans les poèmes d’Homère, les « Karites » étaient trois filles de Zeus. Elles dispensaient quelque chose des plaisirs de l’existence qui s’ancrent dans le sexuel. Nous ne sommes pas ici dans les abords immédiats de ce mot d’ordre du protestantisme qui oppose à l’autorité ecclésiastique, pour ce chrétien pêcheur[3], un énigmatique salut inconditionnel. Cela donne deux aspects à dieu, l’un qui fait référence à la fonction paternelle, l’autre au féminin, à une jouissance supplémentaire. Deux aspects de dieu, nous dit Lacan : « qui ne font pas deux dieux, mais ça n’en fait pas non plus qu’un seul [4] ». C’est à partir d’un lieu qui ne fait « ni dualité », « ni unité », que dieu accorde ce « surcroît » de la grâce ; une doctrine qui a intéressé Lacan jusqu’à l’amener à affirmer que « celui qui méconnait la doctrine de la Grâce ne peut rien comprendre à l’acte psychanalytique ».

Les établissements qui nous sollicitent sont bien souvent de lointains descendants des congrégations religieuses. Ces établissements ne sont pas indemnes de la transformation culturelle, dont C. Melman nous a dit qu’elle s’articulait à ce progrès considérable, d’avoir pris la mesure que le ciel était vide. Ainsi, la nouvelle économie psychique, favorise une désaffection du lieu de l’Autre, assortie d’une liquidation collective du transfert. Melman n’a pas parlé d’une liquidation du transfert, mais de sa liquidation collective. Ça ne veut pas dire que le sujet n’a pas de demande d’amour, qu’il ne reste pas accessible au transfert, mais qu’il est invité à ne « pas s’y fier » dans sa participation à la vie sociale. J-P. Hiltenbrand, dans le séminaire qu’il a conduit sur le transfert, mentionnait ce point. Il situait le burn-out comme une demande d’amour qui ne trouvait pas d’adresse [5].

Je crois qu’il n’est pas abusif de souligner les affinités de la nouvelle économie psychique avec la crise du discours du maître, que Lacan a nommé à Milan [6] « discours du capitaliste ». Celui-ci occulte la dimension de la perte, de la soustraction et vient réduire à rien le point de silence de la demande de l’(A)autre, l’énigme de ce « que me veut-il », en y substituant des objets pourquoi de consommation, mais aussi bien, en substituant à la déchirure du dialogue intérieur, une problématisation appelant des solutions adaptatrices. Le discours du capitaliste supporte la fiction d’un individu sans dette et sans culpabilité, deux aspérités où s’articulent le silence de l’(A)autre. Cette dispense peut donner un privilège assez exorbitant au narcissisme. Lacan nous dit que ce discours est astucieux, mais qu’il voué à la crevaison. Est-ce à dire, qu’il n’échappe pas à l’irruption d’un trou, même si ce trou, notre prise dans ce discours nous le fait éprouver comme une anomalie, un outrage, ou un traumatisme ? Je reçois quelques jeunes patients, qui viennent me voir, d’être sujets à des crises d’angoisse. Après un certain temps, ils sont surpris que lorsque l’angoisse cède, c’est au prix d’un sentiment de culpabilité. Ainsi l’éclipse de la place de la vérité que provoque le discours du capitaliste, si elle fait de nous des addicts, n’éteint pas toute interrogation sur la nature du lieu de l’Autre, une interrogation qui vient stimuler un regain inattendu de quelque chose de l’impératif moral, qui est la pointe avancée de l’univers morbide de la faute. Nous pouvons être sensible à cette façon très actuelle, dont les journalistes de la presse écrite ou audiovisuelle, viennent parfois escamoter la complexité du débat public en s’avançant avec le bien de l’autre en bandoulière. Si les coordonnées imaginaires de ce bien peuvent se modifier, Lacan dans « l’Ethique de la psychanalyse », en donne la structure : « de bien de l’autre, il n’y en a qu’un, le mien ». C’était l’embarras de Paul de Tarze qui se plairait peut-être dans notre modernité, puisqu’il semble qu’il confondait la loi et le surmoi. Mais au 1er siècle, ce qu’il avance c’est quelque chose… Il ne situait pas le péché dans la volonté de faire le mal, mais dans la volonté de faire le bien de l’autre, ce qui conduit le sujet à une certaine méchanceté. Pour Paul, le pêcheur se découvre dans ce dont il tire orgueil et non dans ses errements et ses déficits.

« L’amélioration continue de la qualité » propose l’écriture d’un dit épuré de la dimension du dire, qui du coup vient là comme erreur, comme faute. Ce prêchi-prêcha des protocoles, est un effet du discours universitaire. Ne cherchons pas le discours universitaire à l’Université, il s’y propage sans doute, mais le discours universitaire vous le trouvait dans pleins de recoins ; Il s’établit d’un savoir sans trou, d’un savoir bureaucratique qui a le dire à l’œil. Pourquoi les protocoles ne fonctionnent-ils pas ? Parce que leur passion pour le tout ne peut venir à bout du dire qui ne cesse de s‘infiltrer dans les énoncés du dit. La difficulté, c’est qu’à s’en défendre, cela ranime la dimension de la faute. Cela la réanime par tous les bouts. Aussi bien la manifestation d’un dire ne peut-être que fautive à l’égard de l’idéal d’univocité de l’énoncé, mais s’empêcher de dire, par fidélité au dit, place le parlêtre tout autant en faute… de se priver de parole. Et je dirais que dans les établissements sociaux, médico-sociaux, nous pouvons fréquemment assister à l’éclipse des questions cliniques, des questions pratiques, au profit de débats moraux sur le bien de l’autre.

Récemment, un directeur me disait qu’il avait dans ses équipes, des professionnels qui ne savaient pas quoi faire avec ce que les jeunes leur adressaient. Il parlait d’une perte de savoir qu’il articulait à quelque chose d’une emprise émotionnelle, qu’exerçait l’immédiateté des comportements, où en quelque sorte, le dire qui tombe du dit reste ignoré. Jean-Luc de Saint Just[7] dans une intervention sur le temps logique a souligné que c’est l’énigme de ce qui ne se voit pas, qui permet à l’instant de voir de se nouer au temps pour comprendre. C’est cette énigme, que le comportementalisme ambiant enjambe, laissant les professionnels empêtrés dans l’instant de voir, dont ils s’extirpent en prenant appuis sur des jugements moraux qui agrippent quelque chose de la sainteté.

De quoi le dire est-il fautif ? Tout bêtement de défaire le tout. Dans le langage rien du tout n’est possible, ce qui ne signifie pas que l’idée du tout ne s’y trouve pas, cela signifie juste qu’elle est impossible. Ce « rien du tout n’est possible », Lacan nous dit « que ce n’est pas rien du tout… « que ça fonde l’existence de Dieu, qui n’est pas à détacher du lieu où le sujet adresse sa demande ». Un nommé dieu qui d’échapper à la connaissance, ne trouve sa consistance qu’à décider d’y croire. Mais croire à quoi ? Croire en sa présence, croire qu’il est là, installé dans l’Autre, ou croire qu’il ex-iste ? Deux modalités de la foi qui ont un point commun, celui de suppléer à ce qu’il n’y a pas de rapport, mais pas avec les mêmes incidences. Le dieu qui est là n’appartient pas à la structure, c’est le dieu de la névrose, du maintien des figures imaginaires de l’enfance dans la vie d’âme pourrait dire Freud. La question de Lacan, ce n’est pas de démontrer que dieu n’existe pas, c’est de savoir, s’il ex-iste en tant que fait de structure, quelque chose qui puisse être qualifiée de dieu. Ce n’est pas pour relancer un débat théologique que Lacan s’attelle à démontrer que dieu ex-iste, c’est pour que le dieu qui est là, installé dans l’autre, n’y soit plus. Une façon de préciser le vrai athéisme dont se supporte le discours du psychanalyste « que Dieu est inconscient [8] ».

Lacan « prouve » à chacun l’existence de dieu, à partir de sa demande d’amour qui signale, que c’est de l’autre que dépend l’existence du sujet. Il établit une coexistence de structure entre le sujet et dieu. Ecoutons ce qu’il énonce dans « Un Autre à l’autre » et quelques trois ans plus tard dans « Encore » : « Il n’y a de sujets que d’un dire… de se dire il est l’effet, la dépendance[9] » – : « Pour un rien le dire ça fait Dieu, aussi longtemps que se dira quelque chose, l’hypothèse de Dieu sera là [10] ». Lacan articule pas à pas, que le sujet et dieu n’ex-istent que parce qu’il y a un dire, derrière ce qui se dit. C’est un point sur lequel Jean-Luc de Saint Just revient régulièrement, quand en séance d’analyse de la pratique professionnelle, il insiste avec cette question « Qu’est-ce qu’il a dit » ? Un question qui fait porter l’accent sur le dire, ce dire qui est la chevillette qui ouvre la possibilité qu’une action pourquoi pas sociale, puisse se pratiquer sans être nécessairement une pratique religieuse.

Le sujet supposé savoir

Pourquoi cette question de l’existence de dieu, qui peut nous paraitre surprenante, nous intéresse-t-elle ? Elle nous intéresse à partir de la question du sujet supposé savoir. Ou se situe le savoir dans une séance d’analyse de la pratique ? Est-il du côté de l’intervenant, des participants, se trouve il à devoir être inventé ? Et de quel savoir s’agit-il ? Dans la « Proposition du 9 octobre 1967 » Lacan martèle : « que le transfert ne se conçoit qu’à partir du sujet supposé savoir [11] » et ce sujet supposé savoir, il lui donne un nom : « Le sujet supposé savoir, c’est Dieu, un point c’est tout [12] ».Un des enjeux de la cure pour le névrosé, ne consiste-t-il pas à savoir que dieu ex-iste, pour se défaire de l’exigence de sa présence, sans pour autant tomber, dans ce que Pascal a nommé « La misère de l’homme sans dieu [13] », un enjeu qui peut sous un certain angle, intéresser l’exercice de l’analyse de la pratique professionnelle.

Qu’est-ce que ça peut vouloir dire qu’il y ai du psychanalyste dans cette configuration mondaine de l’analyse de la pratique professionnelle ? Est-ce que ça veut dire qu’il y intervient quelque chose d’une suspension dans la glorification des jouissances et de leur régulation dans le cercle clôt du péché et de la vertu ? Mais de quelle façon et pour quels effets ?

La question de l’association libre en groupe, c’est déjà quelque chose, le groupe est un censeur de première importance, mais bon… Ceci dit, dès que quelqu’un prend la parole, il s’adresse. C’est automatique. Mais à qui s’adresse-t-il ? S’adresse-t-il à moi ? Me prend-il pour un sujet supposé savoir ? Lacan avait exprimé quelque réserves sur la mise en fonction du sujet supposé savoir, qui au moins dans un premier temps, se pare pour celui qui s’adresse, des habits de celui à qui il s’adresse, c’est la question du maniement du transfert qu’il posait avec ces termes. Cette question est d’autant plus sensible au niveau d’un groupe, toujours propice à s’abreuver aux engouements amoureux à l’égard d’une figure d’autorité.

Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas que les participants puissent nous aimer un peu. Je dirais que la question est de savoir ce que nous pouvons faire de cette éventuelle demande d’amour. Allons-nous endosser les habits du sujet supposés savoir, nous faire les destinataires de ce transfert amoureux ? Lacan n’y va pas par quatre chemins, il nous dit que ce serait une malhonnêteté. Une malhonnêteté, puisque cela serait un forme de mise en échec du transfert, il a pas mal insisté la dessus, car l’amour de transfert ne s’adresse pas à une personne mais à un savoir.

Il s’agit pour nous de savoir de quelle façon cet amour, peut permettre à un sujet d’user de cet instrument dont parle Lacan, il parle du psychanalyste[14], pour que quelque chose s’ouvre, que quelque chose s’acte du sujet divisé. Si nous ne sommes pas trop épris de notre narcissisme, nous pouvons savoir que ce savoir supposé, n’est pas supposé à l’analyste, mais à sa position. C’est à cette condition que le propos de celui qui parle, puisse s’articuler comme question, question à laquelle il peut faire l’hypothèse de savoir répondre. Je ne sais plus où, Lacan insiste sur une « recommandation de Freud au psychanalyste » qui n’est pas tant de faire silence, que de reconnaître que ce faire silence s’articule avec la faculté d’exclure tout ce qu’il sait dans son abord de chaque nouveau cas. C’est ce qui permet, dans la répétition des séances, que quelque chose puisse se glisser dans le déjà-vu et le déjà su. Est-ce que dans le brouhaha d’un groupe cette disposition fonctionne ?

Dans cette configuration groupale, pouvons-nous rester assis dans le fauteuil du psychanalyste, ou quelques fois, venons-nous faire quelque incursion sur le divan, parler en analysant ? Voilà une question qui interroge le style de chacun, sa manière de s’y prendre dans ce travail délicat. Ce qui le rend délicat c’est qu’il passe par une conversation en groupe et que ce n’est pas une conversation. Le savoir qui s’y manifeste, il n’est pas sûr qu’il soit groupal, il n’a même rien de groupal. Pour chaque participant, il se manifeste dans le transfert qu’il a avec la position de l’analyste, c’est un savoir qui se glisse entre les lignes de la discussion. Il vaut même mieux qu’il passe un peu inaperçu du collectif. D’ailleurs quand c’est trop massif, c’est pourquoi pas le rire qui vient détourner le truc.

Doctrine de la grâce et acte psychanalytique

Pour conclure avec la question de la grâce, je ne vais pas disserter sur la dispute théologique qu’Augustin inaugure avec Pélage sur la grâce suffisante et la grâce efficace. Je vais juste reprendre ce point, qui a intéressé Lacan, que la grâce augustinienne, comme le péché, relève d’une démesure. Mais à la différence du péché, dont la démesure affronte la mesure de la vertu dans les registres de l’équivalence et de la réciprocité, le surcroît de la grâce suspend ces registres. La grâce est hors compte, hors sens, ou disons plutôt qu’elle acte un pas de sens, un « autre pas » du sens et Lacan y voit un éclairage de l’acte psychanalytique. Il nous dit que la grâce opère le franchissement d’un certain seuil, qui méconnaît l’idée d’une vertu qui résorberait ce qui fait boiter, et qui comme l’acte psychanalytique conduit le sujet en un point qui ne vaut que pour lui-même, et sans aucune garantie, l’introduisant à ce registre précieux de l’énigme qui nous rend moins… Je vais me contenter de dire : « qui nous rend moins bête ».

Si ce franchissement se manifeste dans les séances d’analyse de la pratique, cela arrive, c’est dans les failles des énoncés, quand quelque propos vient rendre vif, que le péché n’est pas de boiter, mais de prétendre ne pas boîter. Que dit le zélateur du bien, que dit Paul dans l’épître aux philippiens : « Circoncis le 8e jour, du peuple d’Israël, de la tribu de Benjamin, hébreu fils d’hébreux pour la loi, pharisien pour le zèle, persécuteur de l’église … ». Paul fait de la conversion, l’acte de grâce qui affirme une valeur au déchet, pourquoi pas le déchet qui gît dans le dire ? Une valeur qui a valeur d’acte, qui « sanctifie » en quelque sorte la défaite de l’identité Une, telle qu’elle se manifeste dans les mondanités. Et c’est en tant qu’elle affirme une valeur au déchet, « dans un mouvement de transgression où se dégradent les identités imaginaires », que Lacan s’est intéressé à la grâce.

Lacan ne parle pas de conversion, il rapproche la doctrine de la grâce de l’acte psychanalytique pour faire de la boiterie une éthique. Une boiterie qui s’acte en prenant appuis sur la position de l’analyste ; qui vient nous faire savoir quelque chose de l’amour pour ce savoir que Lacan dit « emmerdant », pour aussi le faire céder un peu ce savoir qui nous agite à notre insu, et accéder pourquoi pas, à un supplément de réel.

Puisque j’ai évoqué, la dimension du bien de l’autre, de la sainteté, l’originalité de la position du psychanalyste se situe dans une proximité du saint et du déchet. Si Lacan compare le psychanalyste à un Saint, ce qui dit-il, en fait une espèce rare, ce n’est pas pour vanter ces mérites. Il nous dit, que si nous étions attentifs à la vie des saints, nous verrions que la sainteté n’est rien d’autre que de travailler à sa propre gloire. Le Saint auquel Lacan compare le psychanalyste ne fait pas la charité, il « décharite ». Voilà un verbe bien énigmatique ou se contractent le déchet et la charité. Jean-Daniel Causse, qui s’est longuement penché sur l’intérêt qu’a porté Lacan au Christianisme, propose de déchiffrer cette contraction comme : « ce qui s’oppose à faire la charité, c’est-à-dire ce qui situe l’acte dans un franchissement de l’imaginaire ». Mais aussi : « comme une reconfiguration de la charité en charité du déchet dans le sens où l’analyste vient lui-même occuper la place du rebut de la jouissance [15] ». Nous sommes loin de quelque grandeur d’un sujet supposé savoir.

Philippe CandiagoPour le dire autrement, la grâce n’engage aucun objet sacrificiel à offrir à l'(A)autre. Elle fait trou, énigme. Je dirais que c’est le point où s’articule la disjonction entre croire en la présence de dieu ou croire en son ex-istence, le point ou se décide la nature religieuse ou athée, d’une pratique enraciné dans la dimension du transfert. Deux quart de tour, si nous prenons appuis sur les quatre discours de Lacan, deux quart de tour qui permettent au parlêtre de ne pas subir une sentence de l’Autre, mais nous dit encore Lacan : « d’énoncer un ver-dict, un dict véritable [16] » Pourquoi pas un dict en vers. Pour dire un dernier mot sur l’énigme de ce savoir rapporté à un dieu qui n’est « ni un ni deux » … Dans la plupart des textes bibliques, l’homme a foi en dieu ; il y a cependant quelques textes, les Ecrits Sapientiaux, où dieux met sa confiance dans l’homme. Dans ces écrits il y a un poème, le Cantique des cantiques qui enseigne l’amour de dieu ; et c’est assez génial, quand vous lisez ce texte, si vous n’en êtes pas familier, et bien vous avez la surprise de lire un dialogue érotique entre deux amants, voilà ou traine le savoir, y compris quand il s’agit du savoir y faire dans sa pratique. Faisons l’hypothèse que les « Charités » d’Homère n’y trouveraient rien à redire.

Philippe CandiagoPsychanalyste, Intervenant en analyse de la pratique


[1] Psychanalyste de l’Association Lacanienne Internationale.
[2] J. Lacan, Encore, séminaire de l’année 1972-1973, Leçon du 16 janvier 1973, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 84.
[3] J. Baubérot, Histoire du protestantisme, 2023 (1re édition 1987), Que sais-je, p 10.
[4]J. Lacan, Encore, séminaire de l’année 1972-1973, Leçon du 20 Février 1973, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 130.
[5] J-P. Hiltenbrand, Le transfert, séminaire 2021-2022, Editions de l’Association Lacanienne Internationale Rhône-Alpes.
[6] Discours prononcé le 12 mai 1972.
[7] J-L. De Saint-Just intervention du 20 novembre 2023, Association Tissage.
[8] J. Lacan, Les concepts fondamentaux de la psychanalyse, leçon du 12 février 1964, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 70.
[9] J. Lacan, D’un Autre à l’autre, 1968-1969, leçon du 4 décembre 1968, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 60.
[10] J. Lacan, Encore, 1972-1973, Leçon du 1- janvier 1973, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 91.
[11] J. Lacan, Proposition du 9 octobre 1967, 1978, Ornicar, Analytica, volume, p 2.
[12] J. Lacan, D’Un Autre à l’autre, 1968-1969, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 274.
[13] Les Pensées de Pascal.
[14] J. Lacan, L’acte psychanalytique, séminaire de l’année 1967-1968, Editions de l’Association Lacanienne Internationale.
[15] J-D. Causse, Lacan et le christianisme, 2018, Editions Campagnes premières, p 157
[16] J. Lacan, La logique du fantasme, séminaire de l’année 1967-1967, Leçon du 21 juin 1967, Editions de l’Association Lacanienne Internationale, p 454-455.


Crédit photo : PxHere

    Transfert, Savoir, grâce, athéisme, sujet