GAPP : Introduction à la rencontre entre un(e) intervenant(e) et ses participants
“La posture comme postulat”
Participer à un GAPP n’est pas chose aisée; car au-delà de l’entité groupale – le plus souvent une équipe à part entière -, eh bien, ce sont des individualités qui se conjuguent, qui s’expriment, qui ne s’expriment pas ou qui font mine de s’exprimer.
Quelle est la meilleure position d’ailleurs pour le professionnel, de s’exprimer ou d’être spectateur ? Exprimer quoi ? comment ? à qui ?… Même si le contexte est professionnel : se « dévoiler » au sens figuré : lever le voile – sur ses pratiques, sur ses expériences, touche à l’intime de la personne.
Ne pas s’exprimer, c’est ne pas s’exposer ! ; c’est néanmoins déjà exprimer quelque chose ! c’est dire quelque chose de soi dans cette instance : « je ne souhaite pas prendre part à cette opportunité qui m’est offerte ».
Lors de la première session d’un GAPP, l’intervenant(e) dirige les présentations personnelles et professionnelles ; elle introduit les séances, le cadre à tenir, etc. Tout comme, il est de son devoir de veiller à la sécurité psychologique de chacun, durant les échanges.
Il ou elle navigue à vue ; ne sachant pas quelles vont-être les trajectoires prisées par le groupe ou les conditions propres à la navigation. Cependant, il ou elle se doit de tenir le cap – car son rôle et sa responsabilité sont de mener l’équipage à bon port, en restant le (la) seul(e) à la barre.
J’use, voire j’abuse des métaphores, à dessein, car je les trouve extrêmement évocatrices – dans ce microcosme qu’est le GAPP.
D’ailleurs…
Entre-t-on en GAPP comme on entre en ‘’religion’’, ou en ‘’résistance’’ ?
Cela sous-entendant que d’une part, certains professionnels viendraient en GAPP – convaincus des bienfaits de la parole – de leurs paroles, et des interactions que celles-ci peuvent susciter – pour expliciter des situations qui les questionnent, qui les mettent à mal dans leurs pratiques.
En un mot, ils ont foi en cet espace-temps, où la parole est libre (mais en-cadrée), où l’écoute de l’intervenant(e) est active et empreinte d’aucune conséquence hiérarchique ou de Savoir inconditionnel. En quelque sorte, ils s’en remettent au « dogme » de l’APP : – respect et bienveillance envers les autres, confidentialité des échanges, toutes les hypothèses sont entendables !
A l’instar de la ‘’confession ‘’, l’intervenant(e) peut tout entendre ! Et, fort heureusement, cela fonctionne : les professionnels se saisissent de ce huis clos qui permet la réflexion et l’introspection.
A l’inverse, des professionnels – que je nommerai « résistants » peuvent se présenter en GAPP avec des a priori – ils se fondent sur des expériences passées non satisfaisantes, qui de fait, vont influer sur leurs perceptions actuelles.
« Je suis là, mais ce n’est pas gagné !!! »
Lors de la première rencontre avec un(e) nouvel(le) Appépiste, cette ‘’mise en scène’’ de bienveillance, de cordiales relations, de savoir-vivre se doit d’accueillir tous les commentaires, toutes les impressions : les envies de participer, comme les besoins de manifester ses doutes, quant à la vocation de ce temps dédié ou être critique sur les manières de se l’approprier. Ce sont les prémisses d’une relation à long terme, dont l’intervenant(e) ne peut faire l’économie.
Qu’un ou des professionnels verbalise(nt) de facto, sa ou leurs vision(s) négative(s) de l’APP devant tout le groupe est un risque – mais qui a l’honnêteté de poser cartes sur table.
Néanmoins, l’Appépiste se doit de répliquer avec, à-propos, pour ne pas dénaturer l’essence même du travail d’analyse et prendre le risque d’être fragilisé(e) dans sa propre posture.
C’est pourquoi, il ou elle se doit de décrypter assez vite ces « faits » de résistance irréfragables. Heureusement minoritaires dans un groupe, ils peuvent rapidement déteindre sur des sujets plus enclins à se réaliser, dans ce que je nommerai : « un réseau » ; se laissant convaincre par une propagande factieuse qui va s’exercer à – l’encontre – et non à la rencontre de l’intervenant(e). Les motivations propres à cet ersatz de ‘’cabale’’ sont, par ailleurs un sujet à part entière, dont je ne traiterai pas ici.
C’est pourquoi, j’en appelle explicitement – mais non sans subtilité, à la singularité de chacun, dans sa manière de penser et d’être au groupe, lors des séances.
Une fois les états d’âmes verbalisés (ou pas), la séance peut commencer… et, nous rentrons dans le vif du sujet de : « La posture comme postulat ».
La « communication non-verbale » au service de l’indicible ?
La parole est un outil propre à l’espèce humaine ; elle n’est cependant, pas la seule à faire vivre les relations interpersonnelles dans un groupe, ou plutôt la théâtralisation du groupe.
La communication non-verbale, elle, est omniprésente, tout le temps, dans chaque interaction (individuelle ou groupale). Elle permet, entre autres, une écriture/lecture émotionnelle du rapport à l’autre, à soi et au monde ! Cette communication non-verbale est un formidable terreau de régulation, entre l’(les) émetteur(s) et le(s) récepteur(s) que sont les interlocuteurs d’un GAPP.
Imaginez un instant que nous n’ayons pas ces biais cognitifs, au service de la communication ; comment rentrerions-nous en relation avec uniquement des mots ?
Ce serait, d’une part, très périlleux, car les pensées et les idées émergentes n’emploient que rarement le vocabulaire précis, en adéquation avec la retranscription de nos abstractions. Et, d’autre part, prenant en compte le contexte particulier dans lequel s’opère ces interactions de langage : à savoir face à un groupe, échangeant de situations humaines parfois douloureuses – le curseur émotionnel opèrera forcément des circonvolutions de la pensée intrinsèque, qui seront entendables par le biais de la prosodie de chacun.
Exemple de communication non-verbale lors d’un GAPP:
Un chef de service, lors d’une séance d’APP avec ses collègues cadres…
Sa pensée est la suivante :« Je ne supporte plus cet intervenant ! il est nul ! On passe deux heures à discuter entre-nous avec les collègues, voire à se hurler dessus et il n’intervient même pas ! Rien ! pas un mot ! La dernière fois, on en est même arrivé à dévier sur le contexte géopolitique en Iran. Il ne cadre rien du tout. Nous lui posons des questions et il nous répond par des questions. Il m’insupporte ; je ne sais pas qui l’a recruté, mais c’est encore de l’argent jeté par les fenêtres ! ; j’aimerai bien lui dire en face, mais ça va me retomber dessus, c’est sûr. J’ai plus qu’à prendre mon mal en patience ».Traduction par le corps : « Heureusement que je peux bosser sur mon ordi, mine de rien, en écoutant un mot sur deux. C’est au moins ça de gagné ! De toute façon, je ne le regarde même pas ! On s’envoie même des messages avec le collègue d’en face… ; qu’est-ce qu’il me fait marrer ! »
Dans cet exemple, le comportement du chef de service est ouvertement irrespectueux envers l’Appépiste et le reste du groupe. Son indicible est : cet intervenant n’est pas rigoureux ; il n’apporte aucune réponse ; il m’ennuie ; je perds mon temps !
Les signaux que sa posture renvoie : ne pas être en lien par le regard ; ne pas être dans une écoute réelle ; être occupé à écrire ; manifester des signes de connivence, voire de moqueries à l’intérieur du groupe : racontent son mécontentement d’être présent ; allant même jusqu’à prendre le risque de provoquer chez l’intervenant une contre-offensive.
Le corollaire de cette situation, de ce système, va induire des émotions (stupéfaction, contrariété, malaisance, colère, etc) pour celui/celle qui les perçoit et les reçoit, en l’espèce, l’animateur.
Avant d’analyser une situation dans un GAPP, il faut analyser l’indicible !
Les regards dans le vide ou sur sa montre, les positions (bras/jambes croisés, sautillements des pieds, coudes sur la table et mains jointes devant la bouche), les rictus ou soufflements, le froncement des sourcils, la moue empreinte de scepticisme, les visages fermés, les actions parasites (stylo, téléphone), etc sont autant de signes ‘’ostentatoires dans l’imperceptible’’. J’affectionne particulièrement cet oxymore, qui traduit fidèlement ce qui peut se « tramer » en GAPP.
Observer, décrypter et accepter d’accueillir ces manifestations muettes ; bref, s’adonner à de l’investigation comportementale – de la synergologie, avant et pendant la séance à proprement parlé, participe du conditionnement des débats.
Tous ces éléments contextuels sont bien réels pour l’intervenante et elle seule peut les objectiver ; car c’est elle qui les ‘’réceptionne’’ dans sa réalité, dans sa vision du monde – propre à la systémie – à ce moment précis.
Peu importe la causalité de la posture de l’émetteur d’ailleurs ! Il ne s’agit pas de résoudre un problème de comportement (du chef de service) mais de trouver une solution, car ne rien faire pour « cour circuiter » ces signes, serait prendre le risque de mettre à mal l’homéostasie d’un groupe au travail.
Mais alors, comment-faire ???
De manière frontale ? : « je vous demande de ranger votre ordinateur et d’être concentré sur la séance ! » sur un ton péremptoire. On impose ! Ce qui n’est pas très engageant pour la suite, pour tout le monde. NON ! car l’ambiance délétère induite va contrer toutes volontés d’intervenir ou bien renforcer ce comportement, en signe de non-soumission.
De manière pusillanime ? : « S’il vous plait, s’il vous plait – vous pourriez essayer, s’il vous plait d’arrêter de jouer avec votre téléphone, car cela me déconcentre et sûrement le groupe aussi ; je vous remercie de cet effort par avance ! » sur un ton peu audible et tremblotant. La position de l’animateur serait trop basse par rapport à un groupe qu’il se doit de porter, de guider ; NON ! car aveu de faiblesse, insécurisant pour le groupe car l’intervenant(e) n’incarne pas une posture affirmée.
De manière cynique ? : « Bon… ! quand tout le monde aura posé toutes ses petites affaires, nous pourrons poursuivre ! » sur un ton moqueur, avec une esquisse de sourire. NON ! car peu être reçu/perçu comme une provocation de la part de tout le groupe, alors qu’une seule personne est concernée.
Tout l’Art de communiquer sur la communication : méta communiquer.
Pour les intervenants de GAPP – débutants ou confirmés -, la posture des participants est un cas d’école, qui nous renvoie à notre positionnement réflexif ! On a beau en avoir conscience et en faire une lecture rapide ; un des outils dont nous disposons, pour pallier ces méandres relationnels, se nomme métacommunication.
Celle-ci peut, d’ailleurs être verbale : pourquoi ne pas dire les choses simplement ? Exemple : « que diriez-vous que l’on se concentre et que l’on s’écoute ? ».
Expliciter le contexte dans lequel on se trouve et communiquer ou dialoguer sur ce qui entrave la bonne et juste communication des protagonistes en présence, peut permettre de couper court à de l’interprétatif, du subjectif – ce qui est impératif en GAPP, car le fond ne peut être traité que conditionné par la forme !
L’intervenant peut aussi communiquer son agacement de manière non verbale : le fait qu’il s’arrête de parler, pose ses mains à plat sur la table, étende ses jambes et porte son regard de manière insistante sur le chef de service – suffira très probablement, à ce que ce dernier se fige, ferme son ordinateur et son téléphone, tout en s’excusant ; puis en se (re)connectant au groupe.
De fait, c’est la posture de l’animateur qui modifiera celle du chef de service.
D’ailleurs, au sens figuré, nous parlons de bonne ou mauvaise posture. Celle-ci pouvant être : défensive, offensive, naturelle, humble, d’alliance… et, ce n’est pas parce que l’on adopte une posture, qu’il est impossible d’en changer !
La posture ne serait-elle pas intimement liée à l’éthique personnelle du sujet, qui se métamorphoserai selon le contexte ? Une posture mouvante et donc perfectible !
Ainsi, la posture m’apparait comme un excellent postulat de départ pour prendre la ‘’température’’ d’un groupe en APP.
Sophy FAYOLLE-BOUVIER, Analyse de la Pratique Professionnelle – St Etienne
Crédit photo: Image par Clker-Free-Vector-Images de Pixabay