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GAPP au 21ème siècle : une voie ouverte pour construire les compétences collectives.

GAPP compétences 21ème siècle

Des intelligences individuelles à l’intelligence collective…

La compétence est souvent perçue comme une qualité intrinsèque à l’individu, confondue avec les savoirs et les savoir-faire. Cependant, l’approche par compétences recouvre un champ plus vaste et vise à être reconnue comme un mode de reconnaissance des performances au travail. A partir des années 80, la notion de compétences s’est imposée comme une alternative à la qualification. Elle est devenue le modèle de référence autant pour les organisations et les institutions que pour les managers, les cadres et les employés.

Bien qu’appréhendée, dans la plupart du temps, de façon individuelle (entretiens annuels, profil compétences, CV, diplômes, etc…). La compétence peut s’entendre aussi au niveau d’un collectif de travail. En croisant plusieurs définitions d’auteurs, je peux la résumer ainsi :

“La compétence collective est la résultante d’un effet de synergie voulu et accepté par un collectif de travail qui combine savoirs, savoir-faire et interrelations afin de répondre avec intelligence à des situations de travail complexes, parfois inédites. Elle s’ajuste et s’accorde en permanence pour atteindre un niveau de performance supérieur à la somme des compétences individuelles.”

Il est indéniable que l’ampleur et la complexité croissantes des missions confiées aux organisations pèsent de plus en plus lourdement sur les salariés altérant pour certains leur équilibre psychique. Face à ces difficultés, de nouvelles formes d’organisation du travail doivent se concevoir pour, métaphoriquement parlant, répartir la charge mentale et atténuer la pression que subissent les professionnels. Ainsi, dans ce contexte, bâtir de la compétence collective apparaît comme une solution stratégique. Elle offre une fondation solide sur laquelle chacun peut non seulement s’appuyer, mais aussi contribuer activement. Cette approche permet de valoriser le savoir-faire individuel au service du faire équipe. Il devient un levier puissant pour surmonter les contraintes fortes du travail.

Les GAPP – Groupes d’Analyse des Pratiques Professionnelles

Dans cette perspective, les Groupes d’Analyse des Pratiques Professionnelles (GAPP) se révèlent être un espace privilégié pour la construction d’une intelligence collective au service des missions. Véritables laboratoires d’innovation, au travers des délibérations, les GAPP permettent de naviguer habilement entre les dimensions individuelles et collectives du travail.

Au sein du groupe, chaque participant peut de se délester du poids de ses contraintes professionnelles pour redécouvrir et affirmer sa place, son style unique et son expertise. Ainsi, la créativité collective devient le moteur d’une dynamique d’amélioration continue.

Ainsi, pour LC Conseil, les GAPP peuvent transcender leur fonction initiale d’analyse des pratiques pour devenir de véritables catalyseurs d’évolution professionnelle. Ils se transforment en Groupes de Réflexion et d’Évolution des Pratiques Professionnelles (GREPP)[1], incarnant un espace où l’intelligence collective s’épanouit, et où l’innovation peut émerger. L’engagement encouragée à tous les niveaux de l’organisation n’en donnera que plus de force et de pertinence.

Selon l’OCDE, les compétences du 21ème siècle englobent des capacités telles que la pensée critique, la collaboration, la communication et la créativité. Ces compétences sont essentielles pour naviguer dans un monde en constante évolution. Les GAPP et GREPP jouent un rôle clé dans le développement de ces compétences, en permettant aux professionnels de s’adapter, d’innover et de réussir ensemble face aux défis actuels et futurs.

En conclusion, les GAPP et leur évolution vers les GREPP représentent des opportunités précieuses pour bâtir des compétences collectives robustes et adaptées aux défis actuels, tout en créant un cadre de travail humain et solidaire.

Dans cet article, je me permets de rappeler l’évolution historique de l’approche par les compétences, d’alerter sur les confusions et les dérives du développement personnel, et de conclure sur la pertinence des compétences collectives comme réponses professionnelles aux transformations du travail.

Compétence versus Qualification : Une tension historique

La qualification, premier modèle de reconnaissance au travail

Historiquement, la qualification a été le principal critère de reconnaissance au travail, basée sur des repères stables et mesurables tels que les diplômes et l’expérience. Cependant, cette approche a montré ses limites face aux crises économiques des années 75.

Bien qu’elles soient parfois confondues dans les discours, la compétence et la qualification renvoient à des réalités bien distinctes. Pourquoi faut-il les distinguer ?

Fer de lance dans les négociations salariales, l’approche qualification présente l’avantage d’être objective : niveau de diplôme, années d’expérience, expertise reconnue, etc…

Les travailleurs qualifiés sont appariés à des postes identifiés.  Pour les employeurs les repères sont stables et mesurables.

Alors que la qualification est acquise à vie, la compétence  doit se démontrer en permanence !   

Cependant, l’approche par la qualification se révèle insuffisant pour recruter les professionnels et le MEDEF la remet en cause à partir des années 80 suite aux crises économiques des chocs pétroliers.

Réaction au Modèle de Qualification : L’Émergence du modèle de la Compétence

Pour reprendre un des principaux arguments, l’approche par compétences promet de valoriser les qualités professionnelles,  débusquer les talents cachés, révélés en situation de travail.

En effet, les entreprises proclament avoir besoin de réactivité, d’initiative d’autonomie, d’engagement de la part de leurs salariés pour maintenir la compétitivité. La qualification ne garantit plus le recrutement de telles perles rares. C’est donc en réaction, que le modèle de la compétence voit le jour et contraint les théoriciens à en trouver une définition. Certaines thèses ont dénombré jusqu’ à 200 définitions d’auteurs écrites dans les 20 dernières années du 20ème siècle !

La polémique est lancée, le clivage entre diplôme et compétences alimente le débat des recruteurs.  On se souvient tous de cette phrase assassine : « il a des diplômes mais il ne sait rien faire ! »

Bien que ce cliché soit exagéré, il révèle la nécessité de trouver un nouvel outil de gestion capable d’anticiper sur la performance d’un individu à son poste de travail. Les partenaires sociaux s’attèlent donc à cette tâche. Aussi, le modèle de la compétence s’impose de plus en plus car son argument le plus percutant est que tout ne s’apprend pas sur les bancs de l’école … et que certaines compétences non soupçonnées peuvent se révéler en situation. Même si cette idée fait consensus, le modèle par la qualification résiste et certains employeurs ne sont pas prêts à y renoncer.

Pour les salariés, et notamment les demandeurs d’emploi, le défi est double :  il faut être à la fois qualifié et compétent sur un marché du travail où il y a de moins en moins de postes à pourvoir.

L’outplacement développe des outils et des méthodologies pour savoir se présenter au mieux sur le marché du travail : portefeuille de compétences, portfolio, bilan de compétences, profil compétences, profil de personnalité, etc… Ces outils promettent une façon valorisante, et différenciée (personnalisée/individualisée ?)  de se présenter auprès des employeurs et la course au meilleur candidat est lancé.

Dans les années 90, une compétition du recrutement conduit à des modes de sélection parfois douteux. (Graphologie, astrologie, stages cadre d’exploit sportif, test in the basket, etc…). Cependant, ces techniques de recherche forcenée de la compétence, contraignent les personnes à s’exposer de façon identitaire : être le meilleur.

Un début sous influence américaine

Qui plus qu’un psychologue s’intéresse à la diversité humaine ? Les premiers modèles de la compétence s’inspirent de la psychologie américaine des années 60/80. Ce sont les psychologues qui se saisissent de cette question, comme celle de l’orientation scolaire d’ailleurs. Ils cherchent à mesurer autre chose que les parcours d’études ou d’expériences professionnelles en se focalisant sur les caractéristiques individuelles susceptibles d’influer fortement sur les performances au travail. C’est l’époque du développement des tests psychométriques, de personnalité prisés par les recruteurs qui y voient un gain de temps.

La critique interne ne tardera pas à s’exprimer. Si certains s’accommode de cet outil de gestion par les compétences, d’autres y voient  une rationalisation des aptitudes humaines, réductionniste, qui établirait  une relation causale directe entre des qualités personnelles et la performance au travail, négligeant ainsi d’autres facteurs pertinents tels que les méthodes de travail, l’encadrement, l’organisation du travail, les modalités de collaboration (travail d’équipe, mode projet, etc.) ou encore les injonctions des politiques sociales qui pèsent sur les systèmes d’actions et en définitive sur les acteurs au travail.

Quelques années passent, et les nombreuse critiques persistent dont celle fortement décriée, que  ce modèle tend à imputer « aux professionnels agissant » une responsabilité individuelle excessive, qui en cas d’échec, peut avoir des effets délétères sur la santé au travail, comme l’illustrent tragiquement certains cas de suicides liés au travail… l’individu est -il en mesure de supporter seul la complexité des transformations  du travail ?

Autrement dit : Peut-on vraiment penser que la péréquation individu/performance au travail est encore d’actualité au 21ème siècle ? La psychologie différentielle et le développement personnel n’expliquent pas grand-chose dans ce contexte.

S’émanciper : une évolution nécessaire de l’approche par compétences

Une tentative illusoire : le développement personnel

Le développement personnel est une voie couramment empruntée par les professionnels en quête de bien-être et de réalisation. Si cette démarche est positive, elle a aussi ses travers. Lorsqu’il envahit le domaine professionnel, il devient moins innocent. Pour certains, il s’avère contre-productif, voire dangereux. En effet, car il cultive l’illusion qu’il suffit de connaître ses aspirations et de développer ses talents cachés pour réussir sa vie. C’est une promesse de miracle, une véritable recette de cuisine magique. Cette quête égotique de l’authenticité, au service du modèle marchand de la performance, aboutit souvent à une impasse, amplifiant la dissonance cognitive et les conflits de valeurs chez certains professionnels. En se concentrant exclusivement sur les aspirations individuelles, il occulte la dimension collective et systémique du travail, et déresponsabilise les employeurs qui peuvent s’en servir pour faire peser la responsabilité sur l’individu lui-même.

Le risque d’une approche exclusive du développement personnel est de générer des désillusions chez ceux qui échouent à trouver une réalisation personnelle complète dans leur travail. En effet, les dynamiques de travail sont souvent plus complexes que ce que les solutions de développement personnel proposent. Ignorer la dimension collective du travail revient à ignorer l’interdépendance entre les membres d’une organisation et les contextes multiples qui influencent la performance.

Les GAPP : Un espace pour construire des compétences collectives

De l’analyse à l’innovation des pratiques

Les Groupes d’Analyse des Pratiques Professionnelles (GAPP) offrent un cadre où les professionnels peuvent réfléchir ensemble, partager leurs expériences et développer des compétences collectives. Les GAPP favorisent une culture de l’apprentissage mutuel et de l’amélioration continue, permettant aux membres de mieux comprendre les enjeux de leur travail et de trouver ensemble des solutions innovantes.

Les GAPP permettent de passer d’une logique de compétition individuelle à une logique de collaboration et de co-construction. Chaque participant apporte son expertise, ses idées et ses perspectives, enrichissant ainsi la réflexion collective et permettant l’émergence de solutions créatives et adaptées aux défis professionnels. C’est dans cet espace que la compétence collective se développe et se renforce, créant une dynamique positive pour l’ensemble de l’organisation.

Une réponse aux transformations du travail

Les transformations du travail au 21ème siècle, telles que la digitalisation, la globalisation et les changements organisationnels, nécessitent des compétences collectives solides pour être gérées efficacement. Les GAPP offrent un espace où les professionnels peuvent s’adapter à ces changements, en développant des pratiques collaboratives et en renforçant leur résilience collective.

En intégrant les GAPP dans leur stratégie de développement des compétences, les organisations peuvent non seulement améliorer la performance individuelle et collective. Mais aussi, créer un environnement de travail plus épanouissant et durable pour leurs employés. Cela contribue à une meilleure qualité de vie au travail et à une plus grande satisfaction professionnelle. Cela renforçe ainsi l’engagement et la motivation des équipes.

Vers une nouvelle ère des compétences collectives

Carmen Lecomte

En conclusion, les GAPP représentent une opportunité précieuse pour les organisations de développer des compétences collectives robustes et adaptées aux défis contemporains. En mettant l’accent sur la collaboration, l’innovation et l’apprentissage mutuel, les GAPP permettent de transcender les approches traditionnelles de la compétence individuelle. Ils permettent ainsi, de construire une intelligence collective performante et résiliente.

Les compétences collectives deviennent alors un levier stratégique pour les organisations, leur permettant de naviguer avec agilité dans un environnement en constante évolution. En investissant dans les GAPP et en favorisant une culture de la compétence collective, les organisations peuvent non seulement améliorer leur performance globale, mais aussi créer un cadre de travail plus humain et solidaire.

Voilà, j’ai souhaité partager mon enthousiasme à soutenir les GAPP et plus encore les GREPP

C’est avec plaisir que je lirai vos réactions à cet article.

Carmen Lecomte, directrice de formation au sein d’un Organisme de formation en travail social et Centre de bilan de compétences


SOMMAIRE


[1] Le « R » a été ajouté pour ne pas confondre avec les GEPP : Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels


Crédit photo: Image par Augusto Ordóñez de Pixabay

    Analyse des Pratiques Professionnelles, GAPP, travail en équipe, Compétences collectives, compétences du 21ième siècle, innovations sociales