Confrontés à une diversité toujours plus grandes des problématiques sociales et à de profondes mutations de leur cadre institutionnel, les intervenants sociaux ont besoin, plus que jamais, d’espaces de parole et de réflexion qui leur soient propres.
Nous considérons l’analyse des pratiques professionnelles comme une composante majeure du processus continu de professionnalisation, dont la formation constitue une autre dimension. La formation, fût-ce dans une approche d’éducation nouvelle ou de formation-action, passe de manière privilégiée par l’apport d’éléments extérieurs, qui sont ensuite travaillés par le groupe en vue d’une appropriation. L’analyse des pratiques passe de manière privilégiée par la mobilisation, par le groupe, de ses pratiques mises en mots et en réflexion, dans un processus de déconstruction-construction auquel l’intervenant apporte ses propres analyses et ses apports formatifs.
L’analyse des pratiques professionnelles consiste à chercher à mieux comprendre ces pratiques, par l’échange entre pairs à partir de situations vécues. La visée première est donc une compréhension, un confort et un plaisir accru dans la réalisation de l’activité. Cette dimension est une composante essentielle d’un processus de professionnalisation, de l’élaboration d’identités professionnelles.
La dimension réflexive et cognitive de l’analyse des pratiques professionnelles lui permet de contribuer à des actions plus pertinentes, lesquelles constituent donc sa visée seconde.
Une séance d’analyse de la pratique est d’abord un exercice de compréhension avant d’être une résolution de problèmes. Les situations présentées ne sont pas nécessairement très difficiles, voire bloquées ; elles peuvent être simplement incompréhensibles, susciter un sentiment diffus de malaise, ou encore plus nettement un sentiment de colère, de peur, d’injustice, de dépréciation de soi…L’on ne doit cependant pas écarter des séances l’analyse de situations remarquables par leur réussite, dont l’origine reste en revanche mystérieuse.
L’analyse de la pratique doit se distinguer de la supervision, qui consiste à travailler sur les dynamiques d’un groupe dont les membres partagent une même activité, dont les effets peuvent avoir un impact sur cette activité, et de la régulation, qui consiste à travailler ponctuellement sur des situations d’incompréhension ou de tensions au sein d’une équipe, à des fins de résolution de problèmes.
De manière générale, l’analyse de la pratique ne peut pas être confondue avec un exercice s’intégrant à la pratique managériale (organisation du système, aide à la décision, résolution des conflits…). Tout particulièrement, l’analyse des pratiques doit pouvoir trouver sa place en complémentarité avec les réunions d’équipe qui, par les échanges et les réflexions dont ils sont l’occasion, participent également du processus de professionnalisation.
En faisant le rapprochement entre ce que n’est pas et ce qu’est l’analyse de la pratique, on doit admettre que, l’esprit humain n’étant pas totalement clivé, l’analyse des pratiques côtoie en permanence des registres qui ne relèvent pas de cet exercice, que l’on doit néanmoins entendre, mais tenir en lisière.