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Être “Cadre” et devenir Intervenant en Analyse des Pratiques

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Anciens/actuels cadres : des professionnels nombreux à vouloir devenir intervenant en Analyse des Pratiques

Je suis contactée par de plus en plus de cadres (intermédiaires et généraux: Directeur, chef de service…). En effet, et ceux-ci sont actuellement en exercice ou ont exercé dans divers secteurs (médico-social, hospitalier, associatif…). Le recul me permet de dire qu‘ils sont nombreux à vouloir devenir Intervenant en Analyse de la Pratique (IAPP).

Voici un article “Zoom sur les cadres qui deviennent des intervenants en Analyse des Pratiques”. Il vise à leur rappeler cette possibilité de capitalisation de leur expérience. Puis, par ailleurs, à les encourager à s’appuyer sur leurs points forts et à  mieux cerner leurs points de fragilité.

Posture de “cadre” : un positionnement complexe et exigeant

Ils sont généralement diplômés à partir de bac+2 (Directeur d’école) ou bac +3 (Chef de Service, Infirmier de Coordination…) jusqu’à bac+5 (Directeurs de structures, directeurs généraux…). Par ailleurs, les postes de dirigeants peuvent être ou pas ponctués d’un diplôme spécifique (CAFERUIS, CAFDES…). Le statut cadre existe dans toute organisation impliquant une notion de hiérarchie… Autant dire qu’il s’agit donc d’un statut apparaissant dans un paysage extrêmement large.

L’autorité hiérarchique

On associe facilement le statut-cadre à la dimension d’autorité hiérarchique. En effet, le directeur est responsable juridique, impliquant par là-même sa responsabilité civile et pénale. Il a également un pouvoir de sanction (du fait du lien de subordination) sur certains salariés placés sous sa responsabilité. Ainsi, dès qu’il est question de devoir prendre des décisions, statuer sur une prise de risque et endosser la responsabilité, c’est bien de l’autorité hiérarchique qu’il s’agit.

On oublie souvent d’évoquer les autres dimensions relatives au statut-cadre telles que l’autorité fonctionnelle, l’autorité technique et l’autorité symbolique. Or, ces trois autorités, ajoutées à la précédente (autorité hiérarchique) définissent et expliquent la complexité et l’exigence relatives à la posture de cadre.

L’autorité fonctionnelle du cadre, directeur, chef de service…

Si l’autorité hiérarchique implique un lien de subordination, l’autorité fonctionnelle induit, quant à elle, un lien de coordination. L’autorité fonctionnelle intervient donc dès qu’il s’agit d’organiser les ressources et de définir les processus de fonctionnement.

L’autorité technique

Elle est bien moins mentionnée dans la littérature. L’autorité technique place au centre la conformité et les normes relatives au secteur. Elle peut s’étendre à une fonction de conseil pour accompagner le respect de ces spécificités techniques justement.

L’autorité symbolique

Bien que souvent implicitement mentionnée, elle est, à mon sens, d’une grande importance pour comprendre la complexité et l’exigence de la posture cadre. En effet, cette autorité est celle qui “conduit” les autres collaborateurs à effectuer les tâches demandées. Ils le font, par respect de la légitimité conférée à la personne dirigeante. Il s’agit là d’obéissance, au sens étymologique du terme, puisque le mot « autorité » vient du grec ἐξουσία, « pouvoir, puissance ». “La notion d’autorité est ainsi définie dans un sens juridique et social. C’est son caractère nécessaire, voire indispensable à la structure de la société qui la rend légitime pour le plus grand nombre”[1].

“Cadre” (ancien/actuel) & animateur de séances d’Analyse de la pratique : points forts

Les professionnels ayant exercé ou exerçant sous un statut-cadre bénéficient de connaissances opérationnelles très larges. Ces professionnels disposent d’une culture générale de qualité sur plusieurs domaines. Ainsi, il peut s’agir d’expertise des enjeux stratégiques et des politiques de gouvernance, de connaissances de secteurs : public, territorial, partenarial…). On compte également parmi ces domaines la gestion économique, la logistique et le financier ou les compétences managériales… Aussi, par la variabilité possible de leur terrain d’exercice, ils sont entraînés à développer une grande adaptabilité. Ils développent très souvent une vision systémique. En effet, leur positionnement-cadre entre au contact continuellement de plusieurs dimensions et génère de nombreuses réactions.

Aussi, leur faculté à fonctionner avec souplesse dans différents contextes et leur importante expérience de terrain, sont de véritables atouts pour animer des séances d’Analyse de la Pratique. Rajoutons à cela qu’ayant été dirigeant, la dimension de la négociation leur est souvent plus équilibrée face aux commanditaires, qui peuvent s’y identifier avec plus de facilité.

En synthèse : les cadres (anciens comme actuels) peuvent s’appuyer sur de solides compétences pour devenir intervenant en Analyse de la Pratique. Voyons maintenant quelles peuvent être leurs zones de fragilité ?

“Cadre” & animateur de séances d’Analyse de la pratique : zones de fragilité

Un isolement potentiel

Il est important de rappeler que la capacité à fonctionner à plusieurs, en Analyse de la Pratique, est requise. Sur ce point, les anciens et actuels cadres peuvent rencontrer des difficultés, tant leur expérience de direction peut les avoir “isolé” voire “éloigné” du terrain. Cela n’est pas systématique certes. Cependant, il s’agit là d’un risque réel, que j’ai suffisamment observé, pour que j’en fasse part ici. Certains cadres présentent, en effet, une réelle difficulté à se positionner sans asymétrie dans des séances collectives de travail. Aussi, ils peuvent être facilement tentés d’utiliser les Recommandations de bonnes pratiques pour faire “cheminer” les équipes, provoquant ainsi une forte confusion dans le groupe des participants.

Un manque d’expérience des GAPP

Aussi, rappelons que souvent les dirigeants sont exclus des séances d’Analyse des Pratiques (de par leurs missions d’encadrement hiérarchique justement).  Il existe, certes, depuis quelques années des séminaires et des groupes d’Analyse de la Pratique pour cadres. Cependant ils restent rares. Il arrive donc fréquemment que les cadres n’aient pas connu du tout le travail d’Analyse de la Pratique en tant que participant. C’est surtout le cas pour les directions non issues du travail social.

Bien que cela ne soit pas rédhibitoire à mon sens, cela reste pour leurs capacités d’animation, une fragilité. En effet, ils ne peuvent pas s’inspirer ni s’appuyer sur un vécu qui leur permettrait de capter d’emblée la puissance et la finesse de ces dispositifs. Et, ils seront également moins à l’aise pour repérer les glissements de cadre. Or, le travail effectué lors des séances d’analyse de la Pratique est précis et le risque de confusion avec d’autres dispositifs est important[2].

Une posture générale à faire évoluer

Autre zone de fragilité pour les cadres souhaitant devenir intervenant en Analyse des Pratiques : leur tendance à vouloir organiser, et solutionner… Certains se reconnaîtront (sourire). Ce point me semble capital à évoquer. A l’évidence, les directions existent pour veiller au bon fonctionnement d’une organisation. Ainsi, il est donc normal qu’en ayant œuvré en tant que dirigeant durant plusieurs années, la vision fonctionnelle soit devenue un important réflexe.

Je peux témoigner de l’humilité avec laquelle toutes les directions que j’ai formées m’ont partagé leurs craintes de ne pas arriver à “retirer cette casquette de directeur.ice”, de façon ajustée. En effet, il est clair que (re)trouver une posture en dehors de ce champ fonctionnel et organisationnel peut être un véritable défi. Aussi, il y a à mon sens, la nécessité pour ces profils d’effectuer une formation qui les accompagne dans cette modification profonde de leur pratique. Je ne peux qu’encourager d’autant plus les formations expérientielles, de façon à leur permettre de travailler en précision ce changement radical de posture.

Autre point qu’il me paraît important d’évoquer : la fonction de représentant inhérente au statut cadre. En effet, diriger un établissement (à un niveau intermédiaire ou général) implique d’intégrer une dimension de “représentation de l’établissement”. C’’est à dire d’avoir le souci d’en préserver l’image, de se positionner comme loyal vis à vis de l’employeur, de respecter le devoir de discrétion… Aussi, il peut ainsi être délicat pour un cadre (ancien, actuel), parfois même pour un chef de service, de quitter ce rôle de représentant pour devenir un prestataire extérieur, animateur et facilitateur de séances d’Analyse de la Pratique. La fonction d’animation de ces dispositifs peut ainsi se révéler déroutante pour certains cadres. En effet,  il devient question, là, dans cette nouvelle mission, de “disparaître” au service d’un outil bien plus grand, permettant l’intelligence collective.

Le risque de l’expert

Enfin, il me paraît pertinent de mentionner : attention à l’expertise d’un secteur. En effet, animer des séances d’AP dans son secteur de prédilection présente le risque de se positionner comme un expert métier ou un formateur. Or, je le rappelle : les Analyses de Pratiques poursuivent d’autres objectifs[3].

Les zones de fragilité pour les cadres souhaitant devenir intervenant en Analyse des Pratiques sont identifiées en partie ici. Sans une formation spécifique à l’animation de ces dispositifs, il semble risqué, pour eux, de tenir une posture ajustée.

Cadre, Directeur, chef de service…devenir intervenant en Analyse de la Pratique : perspectives

Détenir une expérience de cadre présente des points forts et des zones de fragilité pour animer des séances d’analyse de la pratique. Il s’agit dans cette dernière partie d’article d’élargir la perspective pour ces professionnels. C’est à dire, de leur rappeler que si leur expérience de divers secteurs, doublée de la charge de la responsabilité les conduit à envisager “facilement” le job d’intervenant en Analyse de la Pratique, ils ont à se méfier d’amalgames pouvant créer de la confusion dans leurs techniques d’animation.

Une autre perspective me paraît intéressante à suggérer. Celle d’être un ancien (ou actuel) cadre, de se former à l’animation spécifique de ces dispositifs et de proposer des séances d’Analyse de la Pratique à un directeurs ou chef de services en poste…Ils pourraient ainsi allier leur expertise et bénéficier d’une crédibilité maximale auprès des participants.

Convaincue de l’importance de se former au préalable pour animer ces dispositifs spécifiques afin d’éviter les glissements de cadres classiques et certains écueils, j’accompagne depuis plusieurs années de nombreux cadres, à professionnaliser leur démarche de devenir Intervenant APP. Aussi, je souhaite que cet article participe à enrichir vos observations et réflexions concernant la pratique d’intervenant en Analyse des Pratiques. Je remercie toutes les cadres qu’ils soient directrice, directeur, chef de service, cheffe de service, IDEC, médecin coordinateur… qui par leurs remarques m’ont permis d’actualiser cet article. Je remercie également Mme Cécile BRIALIX et Karen LEVASSEUR pour leur relecture attentive.

Anne CHIMCHIRIANIntervenante, formatrice et superviseure en APP – Drome / PACA


Sources


Crédit photo: Image par Gerd Altmann de Pixabay

Cadre, Directeur, Cadre de santé, Gestionnaire, Chef de servive