Établissements médicosociaux… les émotions, au cœur des relations ?
Je m’étonne toujours de voir combien dans les établissements médicosociaux, sanitaires, socioéducatifs, les émotions sont aussi peu prises en compte dans les relations et ceci à toutes les strates de l’organisation.
Les « risques » des émotions :
Si les émotions telles que la joie, la peur, la colère et la tristesse étaient accueillies et/ou exprimées, dans les établissements médicosociaux et éducatifs qu’est-ce que l’on « risquerait » ?
On risquerait :
- De communiquer avec authenticité : exprimer son ressenti, ses besoins, se donner des feed backs constructifs, demander
- D’exprimer un accord ou un désaccord sans avoir peur des conséquences
- De vivre davantage de détente au travail
- De se donner des signes de reconnaissance et de gratitude
- De voir un sens à ce que l’on fait
- De faire preuve de soutien entre professionnels et de solidarité
- De travailler avec davantage de joie, de légèreté
- De se montrer tel que nous sommes dans notre rôle au lieu de jouer un personnage
- D’être créatif et constructif
- On s’ouvrirait à l’autre
- De vivre davantage de chaleur humaine, de partage, de convivialité
- Moins d’arrêts de travail
- D’oser davantage, de prendre des initiatives au lieu d’agir de manière routinière
- Il y aurait davantage de vie.
Les émotions sont peu présentes dans leur forme « naturelle » je dirais, en revanche, l’émotionnel est quant à lui très actif. Voyons la différence dans le paragraphe suivant.
L’émotion versus l’émotionnel :
Le terme « émotion » vient du latin emovere, « hors de » et « mouvement ». Intéressant de constater que le mot « motivation » a la même racine ! Il s’agit bien de ce qui sort de nous, ce qui veut sortir, et à l’inverse, ce que l’on fait pour bloquer le mouvement. Dans la littérature, on trouve 6 émotions de base : la joie, la peur, la tristesse, la colère, le dégoût et la surprise. C’est parce que nous « gérons » nos émotions au sens de contrôler, réprimer que l’être humain en arrive à des réactions disproportionnées. Et effectivement, on n’est plus en maîtrise de cette expression émotionnelle. Il y a lieu de différencier l’émotion qui est une énergie de son expression.
En lieu et place d’émotions circulant et accueillies, on constate un « émotionnel » présent. Cela veut dire quoi ? Dans ce cas, les émotions sont enkystées, cristallisées et forment un « nœud » empêchant la libre circulation, ça serait comme un barrage sur un cours d’eau retenant la libre coulée de celui-ci. Alors, il se produit une telle retenue avec son lot de ragots, de colère, de médisances, de jugements intempestifs, de non créativité, de mal être, de manipulation, mais aussi de toute puissance et de laisser faire.
L’émotionnel puissance 10 :
Cette autorisation et cette liberté d’expression sont présentes dans notre plus jeune âge et puis au fur et à mesure que l’on grandit, on enregistre qu’il faut se tenir comme ceci, se montrer comme cela, ne pas dire ceci, se taire, etc. Un conditionnement, en particulier le contrôle, s’installe et entrave peu à peu une saine circulation en nous et par voie de conséquence entre nous. Et pourquoi cela est exacerbé dans les établissements médicosociaux et éducatifs ? Mon observation me fait dire que cela l’est car ce sont des établissements où la souffrance, la peur, la tristesse sont hyper présentes du fait des situations de personnes accueillies et donc il y a amplification. Chaque personne accueillie, chaque famille et chaque professionnel (quel que soit la place dans le système) vient avec son « package émotionnel » et à un moment donné, c’est le phénomène de la cocotte-minute.
Pas encore plus de gestion émotionnelle ! :
Il ne s’agit certainement pas de rajouter de la gestion émotionnelle et des formations en ce sens et apprendre encore plus à contrôler ces émotions.
Il s’agit, à mon sens :
- D’une prise de conscience à effectuer chacun et comme dans toute organisation, cela commence par les responsables de structures
- D’un cheminement individuel et/ou collectif des directeurs, chefs de services et cadres, avec bienveillance et sans complaisance, à regarder l’idée qu’ils se font de leur rôle, leurs propres représentations du contrôle, leurs peurs, peur de dire, de se positionner ….
- De mettre en place régulièrement des espaces de régulation au sein de l’équipe selon une méthodologie, des règles claires et explicites
- De favoriser des temps de convivialité
- De mettre en place des temps où les professionnels puissent exprimer leurs besoins, co construire, co créer et être dans une démarche véritablement participative.
Concrètement, une offre d’accompagnement qui peut aider c’est :
- Du coaching
- Des séances d’Analyse de Pratiques Managériales au sein des établissements médicosociaux et éducatifs
- De la formation : sur le processus émotionnel, la communication authentique, le leadership
- Des séances de régulation.
Conclusion :
Il y a vraiment nécessité dans les établissements médicosociaux et éducatifs de :
- Prendre soin de soi en tant que professionnel que l’on soit Directeur, Cadre, Infirmier, Éducateur, Aide- soignant, Agent des Services Hospitaliers. Comment est-il possible de prendre soin des autres autrement ? Sinon, à quel prix de sacrifice, de déni, de mal être, de mal-adies.
- S’autoriser à se positionner afin que certaines situations délétères ne « pourrissent » encore plus la « corbeille de fruits » ou vie d’équipe.
Prenons soin de ces lieux de soins dont un jour, nous même ou un proche pouvons-nous y retrouver !
En savoir plus sur Mireille ALLEE
Intervenante en Analyse des Pratiques – Strasbourg
- Mireille ALLEE
- allee.mireille@gmail.com
Communication, Emotions, Relation, Authenticité, Analyse de Pratiques Managériales, Établissements médicosociaux