EHPAD, Crise, santé mentale et maltraitance
La crise sanitaire a exacerbé l’existant, en particulier en termes de santé mentale.
Les EHPAD vivaient et continuent à vivre une situation structurelle de :
- dévalorisation sociale,
- organisation délétère en terme de santé mentale,
- risques psychosociaux avérés sur les critères de latitude décisionnelle et d’exigences au travail, peu de reconnaissance et parfois un soutien social inexistant.
Le soignant pense être au service d’un patient ou d’un résident vulnérable. Cela créée de facto un déséquilibre qui charge le soignant.
- Soit les agents se sentent mal d’agir comme ils le font, à l’arrache, comme ils disent, avec peu de moyens, les moyens du bord.
- Soit ils peuvent penser être la cause de certains égarements voire décès en conséquence sur les résidents.
Et venue s’ajouter la conjoncture actuelle de traumas, suite aux deuils massifs de la COVID, où la culpabilité des agents a aussi été exacerbée.
C’est la question de la maltraitance et institutionnelle et personnelle qui est peu voire pas abordée concrètement. De plus, et c’est aussi souvent écarté des discours, la mort est présente, tout le temps. Les résidents disent qu’ils ne sont plus « chez eux », et qu’ils savent pourquoi ils sont là, « pour attendre la mort ».
Pouvoir se dire fragile, pouvoir exposer ses failles demande une sécurité intérieure et une richesse de l’équipe en terme de soutien que beaucoup n’ont pas encore expérimentés.
Analyse des Pratiques et prévention en EHPAD
S’il y a un point sur lequel fonder une proposition d’analyse de pratique c’est sur celui de la prévention primaire. Comment réellement prendre en compte la santé mentale ? non comme une obligation à supporter, non comme une vitrine, non comme une « pommade » de qualité de vie au travail. Le but en est le bien-être au travail des salariés, tous confondus, en s’appuyant sur le collectif.
- Si une personne ne veut pas prendre ses médicaments, comment aider l’équipe à accepter avant de contrer ?
- Si un résident veut s’en aller, comment l’accompagner sur le chemin de son désir tout en sachant qu’il dormira encore sur la structure ce soir ?
- Si un résident parle de mort, ou de sexualité, quelle écoute ? Quels possibles ?
C’est la seule manière de prévenir la maltraitance incidente et sur les corps contraints des agents et sur les corps des résidents et la santé mentale de tous.
Dans un travail de relation à l’autre comme en EHPAD, chacun est impliqué personnellement. Y voir clair sur des situations de travail, grâce et au sein d’un groupe a pour objectif de se prendre en compte et d’être pris en compte, de prendre de la distance et ainsi d’alléger le travail au quotidien.
L’analyse de pratique met en lumière les représentations et la réalité de chacun. Le fait d’entendre les autres résonne aussi pour chacun et permet aussi de prendre conscience de ses représentations. Il se passe ainsi des choses pour tous.
Pour le groupe, l’équipe en tant que telle, il y a aussi des représentations qui sont à l’œuvre, des significations d’équipe, une histoire commune, ce qui est fait en commun.
L’ensemble de ces représentations agissent dans nos comportements au quotidien, sans pour autant qu’on en ait toujours conscience.
Le fait de se retrouver périodiquement, de tenter d’y mettre des mots et de le représenter concrètement (mise en situation, utilisation d’objets…), de formaliser des situations face à d’autres, de confronter ses perceptions et avis, de clarifier autant que faire ce peut, permet d’en prendre conscience, de trouver des pistes de solution et de retrouver du sens et du pouvoir d’agir, pour soi et au sein d’une équipe, d’un établissement.
Travail de groupe et qualité du service rendu
En résumé, c’est vivre une expérience de groupe en lien avec son activité professionnelle en tentant d’apprendre à se dire et à dire vraiment pour avancer ensemble pour le bien du résident et de toute l’équipe. Mettre en commun la richesse potentielle de la créativité de chacun :
- sortir de l’individualisation des responsabilités
- proposer une orientation commune à suivre basée sur les échanges, dans des termes éthiques, (droit au choix / droit à la vie, règles collectives, aspect juridique)
- utiliser une méthode de compréhension globale de la situation difficile ou réussie,
- rechercher de solution singulières, humaines et adaptées qui sont essayées et remises en cause de façon itérative.
Le résultat de séances d’Analyse des Pratiques adaptées.
L’efficacité de l’institution en sera améliorée et peut être mesurée sur la base de critères objectifs absentéisme/fidélisation et orientation des agents/valorisation EHPAD, notamment, mais aussi envie d’aller au travail, plaisir à être créatif et à apporter aux résidents, plaisir au travail, projets réalisés.
L’orientation par la direction sur la base d’échanges véritables et d’envie de trouver ensemble des solutions est cruciale. Des approches de co-développement et d’intelligence collective sont à privilégier, surtout dans le contexte actuel et si on veut dépasser les clivages au sein des équipes et poursuivre sur la thématique de la prévention des risques psychosociaux.
La culture de la personne âgée et de son respect est à repositionner. Travailler dans un EHPAD, c’est tendre vers le respect de tous sur la structure :
- fournir un accompagnement relationnel quelle que soit la fonction.
- prendre en compte l’autre tout différent de nous qu’il est en se détachant de tout jugement,
- respecter l’autre en tant que tel et
- se respecter en osant reconnaître nos propres sentiments inconfortables.
La professionnalisation par la formation et la (re)valorisation des métiers des EHPAD sont nécessaires.
Quand les agents arrivent à parler en leur nom et collectivement, l’objectif de l’analyse des pratiques est atteint.
Anne-Marie FORTE, Psychologue – Intervenante en analyses des pratiques
Image par liggraphy de Pixabay
- Anne-Marie FORTE
- amforte79@gmail.com