Du défaut de supervision des intervenants en analyse des pratiques
Un manque de temps, d’humilité, de stratégie… ?
Les intervenants en Analyse des Pratiques sont quelques fois aussi des superviseurs d’équipes certes. Mais dans leur pratique spécifique d’intervenants en Analyse des Pratiques font-ils réviser leur pratique ?
Ma qualité de formatrice et de superviseur me permet d’échanger avec de nombreux animateurs de séances d’analyse des Pratiques. Au fil de ces rencontres il m’est apparu que rares sont les intervenants faisant réviser leur pratique.
Les causes d’une absence de Supervision des pratiques
Nombreux d’entre-eux citent timidement leur manque de temps. Il est clair que la casquette d’intervenant en Analyse des Pratiques Professionnelles se rajoute souvent à d’autres : formateur, psychologue, thérapeute…. Aussi, à force de « cumuls de mandats » les plannings professionnels peuvent être chargés notamment pour les plus expérimentés.
Pour autant, le manque de temps reste un argument contenant, dans de nombreux cas, une part défensive ( à entendre sous l’angle de nos mécanismes de défense). Il n’est pas rare, que nous, intervenants en APP, ayons des craintes quant à nos capacités, nos connaissances voir notre légitimité.
Les dérives d’une absence de pratique réflexive :
Et si nous, intervenants APP, sans révision de notre pratique, nous en oubliions l’essentiel ?
Je choisis, pour ma part, de prêter attention à ce constat espérant notamment sensibiliser mes pairs au risque d’usure.
Ce constat ne constitue t’il pas une alerte sur le plan éthique, technique et stratégique pour notre profession d’intervenant analyse des Pratiques. Ainsi ne prenons-nous pas le risque de prôner des valeurs que nous n’incarnons pas ? Et de « passer à coté » de nombreux axes de travail avec à terme le risque d’échouer dans nos missions ?
Des conséquences pour les équipes des ESMS
- Comment aider à se remettre en question et revisiter ses postures si nous-mêmes, restons immobile concernant les nôtres ?
- Comment incarner des perspectives au delà des déséquilibres et de la peur du changement si nous même évitons tout ressenti déstabilisant ?
- Comment s’assurer que nos incongruences ne se rejouent pas dans les équipes accompagnées ?
De la professionnalisation des pratiques d’intervenant en analyse des pratiques
Les intervenants APP sont amenés à être garant d’une position dynamique auprès des équipes qu’ils accompagnent. Et même s’ils ont souvent peu de temps à consacrer à leur propre soutien 3 besoins principaux se dégagent de leur pratique :
- le besoin de bénéficier d’une expertise technique pour améliorer les techniques de relance et recadrage de l’outil APP, les compétences de lecture, d’analyse et de gestion des dynamiques groupales ( il serait donc opportun que celui qui soutient l’intervenant APP soit lui-même chevronné et expert dans ce domaine des APP).
- le besoin de dénouer les enjeux transférentiels et contre transférentiels, qui se re-jouent dans les équipes accompagnées ( il serait donc opportun que celui qui soutient l’intervenant APP soit outillé de savoirs cliniques, psychopathologiques et psychologiques).
- le besoin de diminuer le sentiment de solitude inhérent à cette pratique spécifique d’intervenant APP ( il serait opportun que ces temps de soutien d’intervenant APP soient collectifs afin de se sentir appartenir à un réseau d’homologues) .
Les stratégies de retour réflexif sur sa pratique
Plusieurs solutions s’offrent aux intervenants:
- Un intervenant APP peut participer à des groupes tenus de façon régulière ou ponctuelle avec des pairs. Dès lors il disposera de ce qui est communément appelé “ intervision”. Cela permettra une mutualisation de compétences dans le groupe de travail ainsi qu’un soutien dans la pratique. En effet la pratique est souvent vécue de façon solitaire et isolante.
- Un intervenant APP peut s’adresser à un autre intervenant APP plus expérimenté afin de lui demander des conseils techniques. C’est à mon sens ce que l’on appelle encore à tort “ une supervision alors qu’il s’agit là plutôt d’une Analyse de la pratique de l’intervenant en APP ( oui c’est l’APP de l’APP ! ). En effet, puisque l’objectif est de se perfectionner techniquement sur l’exercice d’intervenant APP.
- Un intervenant APP peut s’adresser à un superviseur. C’est à dire qu’il peut s’engager dans un dispositif d’élaboration de ses relations transférentielles et contre transférentielles relatives à sa pratique d’intervenant APP. L’objectif sera ici de dépasser les difficultés personnelles ( les “résonances intimes” qu’il rencontre dans sa pratique d’intervenant APP) notamment dans sa gestion des phénomènes de groupe, son manque éventuel d’affirmation de soi, ses craintes…
Il parait important que nous, Intervenants en Analyse des Pratiques Professionnelles nous repositionnions avec davantage de dynamisme ( et de courage ! ) dans nos postures , que nous nous autorisions des espaces pour développer notre technicité et, que nous y consolidions notre sentiment de légitimité pour animer ces dispositifs spécifiques.
Osons participer à des instances animées par des professionnels chevronnés de l’Analyse des Pratiques Professionnelles.
Osons intégrer une dimension de supervision à notre pratique.
Optons pour le travail en réseau afin de mutualiser nos compétences techniques.
Rompons avec un sentiment de solitude parfois pesant voir violent au vu des difficultés rencontrées sur les terrains des professionnels accompagnés.
Puisse cet article nous amener à prendre soin de nous au travers de nos pratiques d’intervenants, si précieuse sur les terrains concernés.
Anne CHIMCHIRIAN – Intervenante en APP – formatrice – superviseur d’intervenants en APP
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- Anne CHIMCHIRIAN
- anne.chimchirian@gmail.com