Cadres de direction : De l’expérience de terrain en ESMS à l’animation de GAPP
Les approches psychosociales, sociologiques, psychothérapiques, psychanalytiques issues de la clinique permettent d’expliquer le réel. Elles éclairent les enjeux qui se nouent dans les situations parlées, légitimant, d’une certaine manière, la posture de l’intervenant de GAPP. Lorsque nous sommes en poste de cadres de direction, une question nous taraude. Faut-il plutôt faire intervenir un “psy” ou bien une personne issue du terrain ? Quel avantage et/ou quel intérêt à faire appel aux cadres de direction ? Qu’est-ce qui les légitime?
Des intervenants en GAPP issus des directions d’ESMS
Les cadres ou anciens cadres d’ESMS disposent d’une expérience significative dans le champ des ESMS. Hommes ou femmes, ils ont œuvré à différentes places. A la fois en tant qu’éducateur, chef de service, directeur adjoint et directeur. Et à chaque poste occupé, ils se sont épanouis personnellement et professionnellement malgré le lot de difficultés rencontrées.
Ils ont eu des responsabilités dans ces institutions. A la fois au côté des familles en ayant soutenu les parcours de leurs enfants. Et aussi auprès des professionnels de terrain dans leur quotidien. Mais aussi, ils ont accompagné le développement des compétences par la voie de la formation continue tout au long de la vie.
Lorsqu’ils étaient en poste, leur souci était de créer les meilleures conditions afin de résoudre les situations tendues avec le public en instaurant les GAPP. Cela permettait l’expression individuelle et collective. Mais aussi la place à la verbalisation des difficultés dans un lieu où se déposaient, sans trop de crainte, de retenue, de honte, les points d’écueils, les obstacles, les entraves dans la relation interpersonnelle avec la personne accompagnée. Pour terminer, ce cadre garantissait des principes forts : confidentialité, respect de la parole de chacun, éthique de la relation, non-jugement et coopération pour faire évoluer leur professionnalité.
Les cadres de direction ont renforcé leurs expertises par la voie de la formation professionnelle et/ou universitaire. Formés à l’animation des GAPP, celle-ci se poursuit par un travail de réflexion et de perlaboration avec des superviseurs. Cet espace réflexif facilite l’identification des points d’accroche ou de décrochage. Donc leurs techniques et leurs approches s’en trouvent améliorées.
Pour les cadres de direction: l’intérêt d’une posture réflexive et expérientielle
La perte de sens se vit et s’exprime chaque jour. Les équipes n’arrivent plus que difficilement à faire corps ensemble. Leurs pratiques professionnelles sont marquées d’individualisme nourrit par la peur, la honte et le désenchantement. Les organisations de travail actuelles sont déclinées par des méthodes gestionnaire. Depuis quelques années et accéléré par le contexte sanitaire (Covid-19), le secteur traverse une crise dans tous les sens du terme. En effet, il perd peu à peu de sa capacité de coopération permettant le vivre ensemble et le faire ensemble. Cette coopération a pourtant des effets sur le bien-être de la personne accompagnée. Les GAPP permettent de retisser ces liens déliés. Ces espaces permettent aux professionnels de dire, de raconter et de trouver ensemble des alternatives au désenchantement qui les frôlent tous les jours et ne demande qu’à les faire vaciller.
Il y a encore la possibilité de les faire travailler ensemble, réfléchir, poser l’indicible, le pénible, le « violent », ce qui bouscule et qui dérange. Mais aussi à détricoter pour retricoter ensemble des pratiques plus propices à redonner du pouvoir d’agir à la personne. Et par effet ricochet d’ajuster leur posture professionnelle. Qui peut les aider à cela ?
L’approche des GAPP : développement de la professionnalité
Cet espace de questionnement éthique et d’échanges permet au professionnel de faire émerger une problématique de travail suite à une situation-problème rencontrée.
Dans cet espace, l’émergence d’un sens advient à la fois pour le professionnel mais aussi pour le groupe. Grâce à la réflexivité du professionnel, à l’émulation des participants et à l’intervention de l’animateur de GAPP, le sujet étire son raisonnement. Il le fait jusqu’à tenir une idée, une hypothèse de compréhension de ce qui se joue ici et maintenant. De plus, l’intervenant en GAPP accompagne la personne et le groupe grâce à sa posture singulière, connecté à ce qui vient de lui être déposé. A la fois, cela concerne la dimension intrapersonnelle (le professionnel). Mais aussi interpersonnelle (le groupe de professionnels) à partir de laquelle la personne va cheminer autrement.
Et dans le même temps, les hypothèses exprimées permettent de faire évoluer la professionnalité. Cela enrichit même le contexte d’exercice professionnel. Un espace au sein duquel s’éprouvent et s’expriment des ressentis et des émotions moins violents, moins agressifs, plus sensibles à l’altérité qui apparaît. La résonance pour le sujet peut ricocher aussi sur les autres sujets ou bien venir se confronter à eux, aux murs de l’in-entendable à un instant précis. Cet instant peut être fragile et éphémère. Il peut aussi résister aux forces intrapsychiques du sujet. Mais le « temps » de la séance -tout comme celui du dispositif au sens large- est une des conditions pour que ce travail conduise à un déplacement.
Les principes fondamentaux d’un GAPP
En proposant un cadre sécurisant garantissant la confidentialité, le respect de chaque singularité, le non jugement, l’éthique de relation, les professionnels se font confiance, se responsabilisent et dessinent autrement leurs pratiques participant à un pensé et un faire-ensemble. Pour tout cela, les cadres de direction actuels doivent pouvoir s’appuyer sur leurs pairs. Car il est question d’un enjeu pour les pratiques de demain. Parce qu’il nous semble essentiel que cette expérience puisse servir ce travail d’engagement.
… Cet article apporte aux cadres de direction une vision plus générale de l’intérêt de ‘convoquer’ leurs pairs. Parce que leur expérience du secteur est significative. Parce qu’elle s’appuie sur une expérience qui sert l’exercice d’animation des GAPP. Et pour finir, parce que leur approche réflexive sert un but: faire corps ensemble, donner du sens collectif aux pratiques professionnelles. Ces séances sont aussi un rempart contre l’essoufflement professionnel et la souffrance au travail. In fine, elles participent à l’amélioration de la qualité de vie au travail.
Hélène VALENTINO – Intervenante en Analyse des Pratiques /Formatrice/Consultante
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