Approche gestaltiste et Analyse des Pratiques
Approche gestaltiste de la conduite d’un accompagnement en “Analyses des Pratiques Professionnelles”
« Mise en perspective et éléments méthodologiques »
1.Analyse des pratiques : définitions
Avant d’aborder ce qui fera la singularité d’une telle approche, il convient de prime abord de définir ce que l’on entend par analyse des pratiques, en tant que modalité d’accompagnement d’un groupe réunissant des professionnels de l’intervention médico-sociale ou sanitaire. Le groupe d’analyse des pratiques est un espace de parole pouvant se déployer dans un cadre aménagé à l’intérieur même d’un cadre professionnel. Ce cadre présentant à la fois des aspects tangibles mais également symboliques propices à la libre expression, voire à la libre association d’inspiration psychanalytique, permet à chacun d’exprimer son vécu subjectif à partir des situations professionnelles rencontrées. Les échanges dans le groupe et avec les individualités de ce groupe (y compris l’animateur), favorisent une forme d’écoute propice à des prises de conscience sur le comment de sa(ses) pratique(s). Un travail particulier d’inspiration psychanalytique accompagné par un Gestalt praticien peut s’opérer à partir des croyances, représentations, résistances de tout un chacun. Les interactions entre participants et les résonances pour chacun d’entre eux sont les principaux matériaux à partir desquels s’élabore du sens (signifiant et signifié).
2.Fondements et notions de base d’une approche Gestaltiste de l’Analyse des pratiques
Inspirée de différentes théories issues de la Gestalt-Thérapie notre approche s’appuie sur l’expérience suivie d’un groupe. Elle se veut avant tout interactive et prend en compte les situations en cours, telles qu’elles se déroulent, sans vouloir nécessairement rejouer ou restituer une situation professionnelle, sans vouloir figer des pratiques mais davantage en cherchant ensemble par le biais des interactions un ajustement créateur. Cette approche peut être complétée éventuellement d’autres telles que l’Analyse Systémique ou encore de la PNL… Agissant dans l’expérience en ayant recours à ses différentes ressources, le participant est mobilisé aussi bien sur les plans cognitif et comportemental que dans l’écoute des émotions et du ressenti corporel.
Les Sept notions de base :
- maintenant et comment : Nous attachons de l’importance avant tout à la situation concrète : le ” comment ça se passe ” dans l’ici et maintenant
- le processus : Notre regard porte non pas tant sur ce qui se dit ou se passe, mais sur comment ça se dit ou ça se passe, et surtout comment les choses évoluent. Il ne peut aboutir à un constat qui figerait une fois pour toute une injonction à faire ou à être mais à une mobilisation et à une acuité accrue sans cesse à enrichir.
- l’awareness : Une vigilance est apportée à l’ensemble des aspects de la situation, factuels et relationnels, explorant davantage l’infraverbal
- la frontière-contact : Un intérêt particulier est porté à ce qui se passe entre moi et l’autre, entre l’usager et l’intervenant,
- champ et système : Nous n’analysons rien de manière isolée ; nous recherchons une perception globale et synthétique de l’ensemble et de ses parties en interactions …
- l’ajustement créateur : Il ne peut y avoir ni adaptation passive, routinière à l’environnement ou à l’autre, ni créativité « débridée » sans prise en compte du contexte, mais doit s’installer un ajustement libre et permanent.
- le cycle de l’expérience : Il s’agit de repérer et respecter les phases habituelles de tout cycle de contact : pré-contact (avant de rentrer en relation), engagement sur la meilleure manière de rentrer en contact, contact souple (avec action et interaction), désengagement au moment propice (ni trop tôt, ni trop tard), assimilation de l’expérience (en vue du prochain contact ou échange).
Les dimensions fondamentales de l’analyse des pratiques:
La Prise en compte de “l’être-aidant ” dans sa globalité (possédant différentes ressources d’ordre corporel, émotionnel, cognitif, interactionnel, éthique) Chaque situation relatée ou revécue dans le cadre du groupe est de par sa nature subjective non interprétée, encore moins évaluée/jugée par les pairs. Car l’analyse des pratiques, en tant que telle est une expérience en soi, où les participants à la séance privilégient non pas la recherche de causes, ni même un raisonnement hypothético-déductif de résolution de problèmes mais davantage l’observation d’un processus au cours duquel l’implication maximale, voire amplifiée, peut par les résonances engendrées chez les autres participants développer une compétence collective, par un effet de mise en synergie. Le dispositif nécessairement s’articule avec les moyens/ressources de l’environnement professionnel d’une part et la mise en œuvre d’un projet d’autre part. La pratique est resituée ainsi dans un contexte, dans un environnement où interagissent différentes données.
3.Méthodologie de conduite d’une action d’”Analyse des pratiques”
Les Objectifs
Les principaux objectifs visent le ressourcement (prévention de l’épuisement professionnel) et la professionnalisation notamment à travers la possibilité qu’offre cet espace pour :
- prendre du recul
- réfléchir quant à sa pratique
- construire collectivement des méthodes d’intervention ajustées
- bénéficier d’apports théoriques et/ou méthodologiques
L’affiliation au groupe
Elle permet :
- d’accueillir la souffrance psychique dans le cadre professionnel,
- d’offrir un lieu de soutien et d’échanges autour de la pratique professionnelle,
- d’amener chacun à conscientiser ses façons d’être et de faire avec l’autre, à regarder les perceptions, représentations et croyances qui sous-tendent son action
- de conduire chaque professionnel à accepter une part de responsabilité dans ce qui peut advenir dans le cadre de la relation humaine (co-responsabilité), à mettre du sens sur son vécu professionnel et à devenir pleinement agissant (co-créateur) allant dans le sens d’une collaboration accrue, via l’interdisciplinarité et la transversalité.
- de mener une réflexion à partir des thématiques émergeant de l’expérience ; par exemple la juste distance avec l’usager, le rapport à la souffrance, le sentiment d’impuissance, la prévention des risques psychosociaux, la gestion de conflits, les problématiques d’organisation et/ou de communication, comment établir une relation de confiance, où et comment poser les limites…
La définition et instauration du cadre des Interventions en “Analyse des pratiques”
Il importe, dans un premier temps, de définir :
- Les règles du fonctionnement en groupe et avec le groupe (règles déontologiques, besoins individuels et besoins du groupe). Les séances sont obligatoires pour l’ensemble des personnes engagées à raison d’une séance mensuelle de 3 heures maximum généralement.
- Le cadre spatial La salle mise à disposition sera “aménagée ” afin de procurer un climat propice à l’expression. Un espace type salle de cours (tables/chaises/vidéo projecteur/paperboard) pourra être maintenu dans cette même salle sans qu’il y ait à déplacer le mobilier pendant la séance.
- Le cadre temporel : Il est important que les participants soient pleinement disponibles et dégagés au maximum d’autres tâches ou astreintes durant cette demi-journée.
La méthode s’appuyant sur le respect d’un ” cycle de contact ” qui dure 3h, les temps de pause sont inclus, de même que les temps de pré et de post-contact. NB : Certaines séances, pour des groupes distincts, pourront être conduites sur une même journée. Il existe, ensuite, des différences de représentations (et d’expériences) importantes quant à l’analyse des pratiques dès lors que cette modalité offre de nouvelles possibilités d’interactions, induisant par là même plusieurs niveaux d’échanges, d’où le besoin de repères temporels très précis quant au déroulement de l’action. Dans un premier temps, que l’on pourrait qualifier de pré-contact (ou mise en route) lors des 3 premières séances, il s’agira d’un travail d’élaboration et d’ajustement d’un ” fonctionnement avec et en groupe ” à partir d’un questionnement portant sur les désirs, besoins, attentes, demandes des participants. En concertation avec le commanditaire de l’action et après un rapport d’étape au terme de ces 3 premières séances, l’intervenant se donne pour objectif d’ajuster sa propre posture d’animation et de ” cibler ” ses apports théoriques selon les demandes exprimées, qu’elles soient centrées sur les usagers, leurs problématiques, les pratiques d’intervention ou davantage sur les relations d’équipe, les changements induits par les décisions institutionnelles, la pratique (comprise dans son acception ” culture-métier “)
Modalités pratiques et techniques mises en œuvre :
Liées à la méthode utilisée conçue pour un effectif de 8 à 12 personnes ; idéalement le groupe ne devra pas excéder 12 personnes. Les outils phénoménologiques et systémiques demandent la plus grande assiduité et la stabilité des groupes (après identification de ses membres dès la première séance de contractualisation), le processus se déroulant dans le champ de l’expérience du groupe. La méthodologie s’appuie sur :
- Un Accueil de la parole émue, des émotions (ressenti psychocorporel) en lien avec la pratique professionnelle sans jugement, évaluation ou expertise de la part de l’animateur ou des pairs.
- L’Observation des résonances pour chacun des membres.
- Un Travail sur l’écoute et sur la dynamique de groupe : faire circuler la parole, faciliter les échanges, tout en favorisant l’implication personnelle.
- une Co-construction d’une réflexion sur la pratique, la culture-métier, la relation d’aide, les rôles, les postures, les valeurs…
Les techniques utilisées s’inspirent des jeux de rôles sous forme de practicum ou encore du psychodrame dans le but d’expérimenter, de mettre à l’épreuve (au sens de révéler telle une photo qui se dévoile en laboratoire) une situation professionnelle pour prendre de la distance (changer le focus) Chacun pourra dès lors s’essayer à d’autres façons d’être et de faire. Changer de rôle permet de mieux comprendre l’usager ou encore d’explorer une modalité d’être avec différentes polarités (exemple réceptif/actif…) L’intervenant accompagnateur s’implique dans l’expérience du groupe en exprimant son propre ressenti, suggérant parfois des images métaphoriques, ce qui peut parfois être ” un miroir amplificateur ” de la personne ou du groupe. Par cette attitude, il invite chacun à s’impliquer personnellement. Pour accompagner la réflexion individuelle et collective, il interroge, demande des précisions, tente avec les participants de mettre à jour les soubassements de l’action, et fait part occasionnellement de sa propre expérience de la relation d’aide.
Le Dispositif d’évaluation des séances
Il comprend généralement :
- Une note d’opportunité (faisant suite au premier temps dit ” d’analyse de la demande “)
- Un rapport d’étapes au terme des 3 premières séances (problématique dégagée)
- Un outil d’autopositionnement établi à partir d’un référentiel élaboré avec les participants et validé par un comité de pilotage.
Les données recueillies par le biais de cet outil (format Excel) resteront anonymes. De même leur restitution ” groupe par groupe ” restera à la discrétion du consultant. La formalisation de ces données permettra de qualifier, d’enrichir, de mutualiser et d’harmoniser les pratiques à partir d’items concernant la posture professionnelle, le positionnement de l’intervenant. Cet outil pourra ultérieurement générer l’identification d’un besoin individuel en développement des compétences. Il reste néanmoins élaboré dans l’optique d’une culture professionnelle commune pour identifier les valeurs partagées.
- Des supports de communication et de conduite de réunion (voir intranet)
- Un rapport final au terme de l’action (sur 10-12 mois)
Un article de Nathalie OLLIVIER
nouvel.arrimage@gmail.com