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La difficile compréhension du bien-être au travail : pourquoi les équipes peinent-elles à formuler leur bien-être ?

problématique problème bien-être au travail

L’absence de problèmes peut-elle générer une absence de pensée et pourquoi avons-nous autant de mal à dire ce qui fonctionne ? Et si, en faisant l’effort quasi contre nature d’identifier ce qui fonctionne, nous ne forgions pas un outil de prévention des plus efficaces ?

Depuis plusieurs séances avec des groupes de GAP, le silence était de mise. En dépit des habituelles timidités, le silence était la norme quand le groupe allait bien. M’est donc venu ce questionnement : l’absence de problème perçu génère t’elle une absence de penser ? Et pourquoi une structure qui semble fonctionner est forcément muette ?

Via l’analyse de deux situations, je tâcherai de répondre à ces questions, et apporterai en fin d’article deux outils.

Lors d’intervention sur une structure, l’ensemble de l’équipe s’entendait à merveille, se sentant heureuse et respectée sur leur lieu de travail. Et rapidement les séances se retrouvaient dans une forme d’impasse, la séance devenant une sorte de comptoir ou tout et n’importe quoi pouvait se dire : cinéma, actualités, etc… Jusqu’à ce qu’un des membres du groupe ne fonde en larmes.

En somme, l’absence de problème causait problème !

Pour comprendre cette situation, partons  de notre quotidien.

Quand une personne nous demande comment nous allons et que nous ne souhaitons pas lui répondre, notre premier réflexe est de répondre positivement afin de ne pas développer la discussion.

Pour la belle-mère insistante, le collègue bavard ou l’intervenant en analyse de la pratique un peu trop curieux, cette réponse est confortable et rassure chacun des interlocuteurs.

Dire que tout va bien reste en définitive une défense assez courante.

Mais quand cette situation est récurrente lors de GAP, nous faisons face à une absence de réflexion de groupe, ce qui pose de sérieux problèmes. Il convient alors de se questionner :

  1. Quelle est la cause de cette absence ?
  2. Est-ce la question qui est mal posée ?
  3. Est-ce la personne interrogée qui ne souhaite simplement pas parler ?
  4. Ou, plus globalement, sommes-nous conditionnés pour ne pas expliquer pourquoi une équipe fonctionne ?

La problématique est la même lors d’une séance d’analyse de la pratique. Quand le groupe ne décèle aucune anomalie, aucun dysfonctionnement, comme pour se cacher. Et ne pas révéler les problèmes qui sont la norme dans le travail sanitaire et social.

Mais une fois cerné le mécanisme de défense, d’autres questions se posent.

Mes expériences sont dans le secteur sanitaire et social fonctionne avec la douleur, le handicap, la violence sociétale auxquelles les bénéficiaires sont exposés quotidiennement. et les problématiques sociales comme matière première.

Il y a dans cet univers professionnel (comme dans d’autres bien sûr), une culture du «  marche ou crève » et réfléchir à ce qui fait du bien ou fonctionne est considéré comme quasiment honteux.

Mais dire qu’il y a une absence de problème revient à dire qu’il y a une absence de structure.

Et si sous ce vernis de silence se trouvait un fabuleux outil de prévention ?

Si l’équipe est véritablement harmonieuse, il peut être totalement passionnant pour l’intervenant comme pour le groupe, d’identifier ce qui fait que ça marche.

Le défi est je pense nettement plus intéressant que de déposer ces valises lors d’une séance ou de régler des comptes. Ou tout simplement de dire sa souffrance, ce qui est la norme dans ce type de travail.

En effet, analyser les conditions d’une relation harmonieuse entre les salariés peut devenir un magnifique outil de prévention des risques psycho-sociaux.

Voir comment la direction fait pour préserver cette harmonie est aussi un sujet extrêmement important.

Important non seulement pour la cohésion de l’équipe, mais aussi pour d’autres structures, d’où la raison de cet article.

Pour tenter de comprendre cet enjeu, analysons une situation où, en effet, les salariés se portent à merveille et chacun avait envie de se lever le matin pour aller à leur travail.

L’équipe  est fière de son travail.

Tous se sentent encadrés par une direction bienveillante, dynamique et désireuse de leur bonheur.

Mais sous cette couche, Nous rendons nous compte de la somme colossale d’efforts pour préserver cette harmonie ?

C’est une structure avec peu de salariés :  4 en tout. Et une direction incarnée par une seule personne. Située dans des locaux confortables, il m’est souvent arrivé de penser y rester  et de proposer ma candidature comme salarié tellement l’endroit était plaisant.

Rapidement l’harmonie est apparue lors des séances qui ont duré 2 ans. En effet, les séances étaient plutôt sur un mode classique avec des problématiques relationnelles entre  les salariés et les bénéficiaires qui allaient dans cette structure.

Et lors d’une séance, tout le monde s’est retrouvé dans l’impasse : Tout va bien, nous n’avons rien à dire.

Tout fonctionne, les gens sont agréables, la structure fonctionne, les salaires sont décents, bref, strictement aucun problème. D’où, chez chacun des salariés, le sentiment d’une impasse, d’une incapacité à penser véritablement leur relation au travail et leur relation aux autres.

Reconnaitre que cette harmonie était le fruit d’un travail essentiel et colossal de la part de la direction pour assurer le bien-être des salariés a été un moment crucial.

Reconnaître la qualité de son travail et la qualité de l’encadrement n’est jamais rien.

Pourquoi est-ce si difficile de dire ce qui fonctionne ?

Le moment ou apparait cette structuration est lors d’un dysfonctionnement. A ce sujet, l’étymologie du mot « bug » qui, selon Marcello Vitali-Rosati [1] aurait comme source le mot « spectre », c’est-à-dire une entité invisible jusqu’à ce que son intervention n’amène un dysfonctionnement.

Et si, inconsciemment, nous ne rendions compte de la présence d’un élément que lorsqu’il est absent ?

Et si, au-delà du confort de ne pas penser, se cachait un inconscient collectif ayant besoin de seulement exécuter sans questionner ?

Si Marcelo Vitali-Rosati applique cette pensée au monde numérique, elle peut trouver sa place dans l’analyse de la pratique.

La vraie question est désormais la suivante : comment, lors d’une séance, découvrir les éléments qui fonctionnent au sein du groupe ?

Le génogramme ou génosociogramme : un schéma des relations

Si cet article ne pourra pas traiter cet outil des plus intéressant, nous allons cependant le décrire dans ses grandes ligne égard à notre problématique. Si cet outil est utilisé majoritairement en psychothérapie pour « pour soigner leurs patients atteints de certains troubles ou maladies, comme la dépression, la bipolarité, le cancer ou une maladie génétique »[2] il permet de visualiser les relations sous formes de symboles faciles à appréhender et à imprimer. Par exemple, il peut permettre de visualiser la relation entre deux collègues, et de fait la définir positivement ou négativement.

Je l’ai utilisé récemment et deux salariés ont pris conscience qu’ils avaient une relation fusionnelle avec des patients, ce qui présentait un risque, même si tout se passait bien entre eux. Une décision collégiale a été établie après coup : les patients ne seront pas exclusivement avec eux.

Il a également permis de réaliser le bien qu’un salarié désormais parti, a fait à l’équipe, en mettant en place justement ces groupes d’analyse de la pratique.

Via cette reconnaissance, même à posteriori, un premier élément de prévention est apparu : maintenir les GAP.

La victoire du jour

Hérité du monde de l’entreprise, cet exercice a pour objectif la réassurance de la personne. Je l’organise ainsi :

  1. Décrire au groupe ce qu’est une victoire du jour : une action, qui peut paraitre anodine que nous avons mené à bien dans le monde professionnel s’entend.
  2. Donner une feuille et un stylo à chacun
  3. Demander aux participants d’écrire, même brièvement, leur victoire du jour
  4. Donner une limite de temps (dix minutes suffisent amplement)
  5. Récupérer les feuilles
  6. Les mélanger
  7. Demander aux participants de tirer une situation et la lire au groupe
  8. Deviner qui est l’auteur du texte et dire en quoi l’impact de cette victoire est positif (ou pas, c’est selon)
  9. Débattre des solutions qu’amènent ces victoires du jour
  10. Les consigner dans un cahier des victoires

Passé cet échange, nous avons de fait deux outils performants qui permettent à l’intervenant de sortir de cet impasse du « tout va bien ».

Conclusion

Nous nous rendons compte que notre système nous impose le silence lorsque le bonheur est là. Néanmoins, formuler son bien-être permet de forger un outil de prévention des risques psycho-sociaux efficace.

S’il reste dur de dire ce qui va bien, j’espère être parvenu, au long de cet article, à mettre en avant les raisons de ce comportement et, surtout, de transformer cette apparente absence de pensée en un outil de prévention à l’épreuve du terrain.

Jean Stéphaneintervenant en analyse de pratiques – spécialisé services à la personne


[1]  « Eloge du bug » aux éditions de la découverte, 2024

[2]  Construire un Génogramme


Crédit photo : PxHere

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