Formation à l’Analyse des Pratiques : Un entretien avec Anne Chimchirian
Du Profil des intervenants et formateurs en Analyse des Pratiques
Dans ma formation à l’analyse des pratiques je vois arriver majoritairement des professionnels issus des secteurs médicosocial et sanitaire. Se sont principalement des assistantes sociales, éducateurs, infirmières, psychologues. Il est vrai que cette formation à l’Animation de séances d’Analyse des pratiques est ouverte au non psychologue. Cela n’est pas le cas de toutes les formations de ce type.
Ensuite je vois arriver aussi des professionnels de la pédagogie soit des formateurs adultes. Ceux-ci ne disposent pas de formation relative à la psychologie ou encore la santé. Certains disposent d’un cursus atypique et animent initialement des ateliers techniques. On peut les retrouver en CFA, GRETA…
Par ailleurs, il s’agit en très grande majorité de personnes disposant d’une importante expérience de terrain. Les jeunes diplômés disposent plus rarement d’une capacité à se projeter sur une activité d’animation de groupes d’Analyse des Pratiques.
La Posture d’Animateur en Analyse des pratiques
Outre les profils des stagiaires en formation à l’analyse des pratiques ma conviction est qu’il est avant tout nécessaire de disposer de la posture requise et d’allier son profil et ses compétences. Ce n’est pas toujours parce que l’on est psychologue que l’on est le mieux outillé. Ce qui peut être un atout dans certaines circonstances peut aussi mettre le groupe en résistance dans d’autres circonstances. Certains Directeurs conscients de ce phénomène sont amenés même à mentionner dans leur cahier des charges leur préférence pour un intervenant non psychologue.
Connaissance du secteur et légitimité
La connaissance spécifique des problématiques de terrain pour une intervention donnée est à double tranchant. Cette connaissance peut apporter des éléments de part la résonance de ces problématiques chez l’intervenant. Mais, elle peut aussi priver celui-ci d’une certaine « naïveté » permettant d‘aider le groupe à dépasser certaines de ses résistances.
La connaissance du secteur n’est donc pas ce qui octroie automatiquement la légitimité en vu d’intervenir.
Plus que la connaissance des problématiques ou du secteur, la clé me parait surtout consister à faire alliance avec le groupe de travail. En effet, certaines équipes vont apprécier le niveau de connaissance de l’intervenant quitte à le disqualifier s’il n’a jamais mis les pieds dans le type de service concerné. Mais, d’autres équipes vont prendre beaucoup de plaisir à initier l’intervenant dans la connaissance de leurs services.
Quelles compétences pour les intervenants
Les stagiaires et futurs animateurs en APP viennent chercher la plupart du temps dans une formation à l’Analyse des Pratiques une méthodologie d’intervention.
En général, lorsque qu’ils se sentent en mesure d’animer des séances d’analyse des pratiques ils disposent des outils. Cependant, ils ont encore besoin d’acquérir un cadre auquel se référer et une méthodologie d’intervention. Lors de la formation je vais les aider individuellement à construire leur méthodologie sur mesure. Il y a des choses à savoir et des écueils à éviter. Mais il est surtout important qu’ils soient libres dans leur style d’intervention et exploitent au maximum leur profil d’intervention afin de le rendre atypique. Dans tous les cas, une rencontre entre un intervenant et un groupe va forcement être atypique. Il y a autant de style d’APP qu’il y d’intervenants en APP. Il est donc indispensable de travailler cette particularité.
La gestion d’un processus d’APP de A à Z
Dès le début de ma formation à l’Analyse des Pratiques beaucoup de questions se posent pour les intervenants. Soit, le séquençage c’est dire comment commence un contrat d’APP, les étapes : qui rencontre t’on au départ, comment doit être composé un groupe (pluri ou non – cadres ou non…), la fréquence, la durée… Il s’agit de questionnements concrets qui touchent à la forme mais également au fond. Les choix relatifs à la composition du groupe d’APP en sont un bel exemple.
Dans tous les cas, les futurs intervenants ont donc besoin d’apprendre à gérer le processus du début à la fin depuis « Comment l’on se rend visible », « comment l’on prospecte » jusqu’à « comment on clôture une intervention en Analyse des pratiques » en passant par la question des comptes rendu à la Direction au regard de la confidentialité.
La préparation d’une offre de service en Analyse des Pratiques
Une formation adaptée permet aux futurs intervenants de se structurer autour des outils dont ils disposent et de leur style d’intervention en fonction de leur sensibilité. Certains sont naturellement plus attentifs aux effets de groupe alors que d’autre vont l’être au cheminement du raisonnement de la personne qui expose une situation. D’autres s’attacheront plus à la dimension institutionnelle, son organisation au regard des APP… Il s’agit donc de les accompagner à se structurer autour de leur ligne de force afin qu’ils développent et intériorisation un cadre.
La solitude de l’intervenant
Le plus difficile lorsque l’on intervient en Animation de séance d’Analyse des pratiques c’est la solitude. C’est là un point commun aux stagiaires qui s’exprime à travers des remarques telles que : « J’ai peur d’être seul » « Je vais être seul avec un groupe pour trouver une solution » « Je vais devoir décider seul…. ». En tant qu’’intervenant en Analyse des pratiques il y a des choix à faire à chaque seconde. Dès lors il est très important de pouvoir des référer à un cadre interne structuré et structurant que nous aurons travaillé tout au long de la formation à l’Analyse des Pratiques.
L’une des craintes récurrente dans cette solitude est celle de se voir disqualifié de manière récurrente par un ou plusieurs membres du groupe d’APP. Lors de la formation à l’Analyse des Pratiques nous travaillons également en jeux de rôles ce type de situation. Les stagiaires apprennent à trouver des issues constructives à de nombreuses situations imprévues.
Des principaux écueils en Analyse des Pratiques Professionnelles
L’intervenant ayant suivi une formation à l’Analyse des pratiques se doit d’être vigilant dès la lecture du cahier des charges. On constate, en effet, que les associations ou services émettent des cahiers des charges de qualité très diverses. Certains ressemblent au produit final et prennent en compte les besoins du terrain. D’autres souvent rédigés par des personnes loin du terrain nécessitent un travail afin de saisir ce que le commanditaire veut faire passer. Il est important aussi de valider qu’il s’agit bien d’une demande effective d’Analyse des pratiques et non d’un autre type de prestation.
Par ailleurs, compte tenu du fait que les séances d’Analyse des pratiques sont prises dans un système aux enjeux multiples celles-ci peuvent être instrumentalisées à tout moment. Les glissements et les débordements sont fréquents et arrivent en rafales. Cela est normal car ces séances d’APP sont nouvelles et ” étrangères ” par rapport au système. Et ce dernier aura forcément une réaction. Dès lors l’intervenant ne doit pas se perdre face à ce que l’on va lui demander autour de l’APP. Il doit rester vigilant quant à la gestion du cadre et du processus et ce dès le cahier des charges.
Notons que la plupart des dérives à l’initiative des commanditaires viennent d’une méconnaissance de ce qu’est un dispositif d’Analyse des Pratiques. Ceci est notamment le cas lorsque certains services RH rédigent des cahiers des charges sans s’appuyer sur les acteurs de terrain et des professionnels du dispositif. Quoi qu’il en soit il est vivement conseillé pour l’intervenant de rencontrer les acteurs de terrain : Chef de service, équipe…afin de comprendre ce que ceux-ci attendent précisément et concrètement des séances d’Analyse des Pratiques. A défaut de prendre en compte ces attentes certaines résistance vont se jouer et se rejouer à chaque séance. Cela est fondamental. Et, quand la rencontre avec l’équipe n’est pas possible avant la mise en place des séances, il est préférable d’adopter une posture visant à ce que la première séance face l’objet de ce temps de compréhension et de validation.
Dans cette configuration mieux vaut pour le commanditaire comme pour l’intervenant de ne pas contractualiser avant la rencontre avec l’équipe. L’intervenant sera alors en possession de l’essentiel des éléments pour se positionner au mieux dans l’intervention à venir.
L’avenir de formation en Analyse des Pratiques
Il est probable que l’on se conduise doucement, dans les années qui viennent, vers un plus grand encadrement de la formation à l’Analyse des Pratiques et aux interventions d’APP. Peut être aura-t-on, à moment donné, une labellisation particulière disant qui peut ou pas exercer.
Toujours est-il que pour l’instant nous disposons d’une certaine liberté au service de la richesse des différences que ne permettrait pas une uniformisation des profils et de l’exercice.
Mon expérience est riche d’exemples de professionnels issus de parcours incroyablement différents, présentant tous des ressources, des lignes de forces et des sensibilités diverses. Le challenge est de les accompagner à unifier leurs expériences et leurs outils déjà acquis pour les mettre au service de leur style et de leur posture d’intervenant.
En savoir plus sur Anne CHIMCHIRIAN
Intervenante et Formatrice d’intervenants en Analyse des Pratiques Professionnelles
- Anne CHIMCHIRIAN Psychologue, Systémicienne, Formatrice et Conférencière
- anne.chimchirian@gmail.com
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