Livre – L’analyse des pratiques en travail social
Auteur de l’ouvrage : Francis ALFÖLDI – Editions DUNOD – Janvier 2017.
On se réjouira de la lecture de l’ouvrage de Francis ALFÖLDI, écrit selon son auteur « à l’ancienne », c’est-à-dire en une aventure écrite. Nous l’avons comprise comme un livre écrit avec patience, en laissant le temps de la recherche bibliographique et de la conception de l’ouvrage.
Un des intérêts du livre est de donner à son lecteur un point de vue historique à l’analyse des pratiques. L’histoire permet de comprendre d’où l’on vient, tout comme l’état actuel de l’art. Pour Francis ALFÖLDI, analyse des pratiques et supervision ne se confondent pas. Aussi c’est bien du champ professionnel de l’analyse des pratiques que traite ce livre. L’auteur qui a de robustes convictions sait engager l’humour et la pédagogie, et éclairer le lecteur par des cas qui viennent étayer son propos. On retiendra au chapitre trois les grands concepts : l’empowerment, la centration sur la personne et le contre-transfert comme autant de plans de mise au travail.
Au chapitre 4, l’auteur y détaille les axes de travail de l’analyse des pratiques en se référant à l’approche clinique. Par clinique, il faut entendre ce qui est mis au travail en groupe, tant par les conditions de l’espace ouvert par le dispositif que par ce qui s’y analyse et se résout du travail social investigué. Dans ce même chapitre, Francis ALFÖLDI revient sur la question de la gestion de la violence comme une réalité intrinsèque aux métiers du social, avec une exposition en miroir des professionnels. En abordant cette réalité comme une modalité psychosociale du travail social, en explicitant les formes de l’acte violent, l’auteur donne à penser la violence dans l’institution. Non pas comme un acte qui prend par surprise, mais entre dans le fonctionnement de l’institution par les prises en charge éducatives et de ce qu’elles transportent de souffrance captées du terrain.
On retiendra aussi les facteurs du climat de travail d’un dispositif en termes de cadre, et d’une définition de la professionnalité, métiers et compétences. L’auteur apporte son expérience et des fondements qui remettent en perspective le socle du métier et de ce qu’il engage au delà d’un emploi, de la compétence en tant que mobilisation « de savoirs ajustés à la singularité de chaque situation ».
Dans le chapitre des conditions de mise en œuvre, Francis ALFÖLDI répond aux questions des choix initiaux, c’est-à-dire du lancement du dispositif. S’il y a des enjeux pour le groupe professionnel bénéficiaire, les enjeux de l’institution à cette étape des choix initiaux s’y trouvent aussi posés. Les responsables d’institutions trouveront des réponses à leurs interrogations et doutes quant à la prescription de l’analyse des pratiques. Pour un responsable d’institution qu’en sera-t-il de la participation effective des salariés, de ce que la proposition managériale aura comme effets. Aussi l’auteur s’emploie à donner du crédit à ce qui valorise l’engagement plutôt que l’obligation, la conviction plutôt que la contrainte. Force est de constater que dans bien des cas, un dispositif d’analyse des pratiques prend son origine dans un contexte institutionnel et professionnel où les acteurs sont à l’épreuve de difficultés, d’écarts entre le projet de service et le réel, parfois de positions défensives respectives.
Résumés et définitions, idées-phares, schémas, tableaux méthodologiques et…dessins humoristiques font de ce livre « l’analyse des pratiques en travail social » un ouvrage de référence pour des praticiens intéressés par les conditions historiques, sociales et contextuelles de l’analyse des pratiques, et par le tissage entre théorie de la dynamique des groupes et des outils nécessaires à son portage. Des responsables d’institutions en questionnement pourront y trouver une réflexion préalable à la mise en oeuvre d’un dispositif. Car instituer de l’analyse des pratiques ne relève pas du seul champ de l’incitation de la tutelle ou de la demande routinière, mais, disons-le en citant Winicott, d’instituer la possibilité d’un espace de jeu dans l’institution autour de la parole, des affects, des métiers, de leurs difficultés terrain, c’est-à-dire de la valeur du « réel du travail », de ce qui se passe plutôt que ce qui devrait être, et de la régulation dans le groupe constitué.
Note de lecture réalisée par Marc LASSEAUX, Psychanalyste et Intervenant en Analyse des Pratiques…En Savoir Plus…