L’analyse des pratiques professionnelles
En favorisant la réflexion sur le positionnement professionnel, l’analyse des pratiques constitue un bon outil d’accompagnement des équipes. À condition de fixer un cadre clair au préalable.
Les cadres peuvent être invités à certaines séances, avec l’accord du groupe.
Elle est souvent confondue avec la régulation d’équipe ou la supervision. L’analyse des pratiques professionnelles (APP), plutôt développée dans le secteur de l’enfance, se déploie désormais dans tous les champs du social et médicosocial. « Centrée sur l’usager et son accompagnement, cette démarche consiste à étudier des situations de travail, la place des professionnels en interaction avec les autres », insiste Katia Honoré, responsable des dispositifs d’APP du service formation permanente de l’institut régional du travail social (IRTS) de Basse-Normandie.
À noter. L’axe de la résonance personnelle du travail accompli et de la relation relève de la supervision, tandis que la régulation traite des relations entre les membres de la structure.
Quels intervenants ?
Première difficulté : trouver l’animateur qui convient. Une bonne technique consiste à interroger les membres de son réseau pour disposer d’un retour d’expériences. «Il ne faut pas hésiter à questionner plusieurs intervenants, à les sonder sur leur formation, à se renseigner sur leurs pratiques et sur la façon dont ils entendent conduire le dispositif », insiste Manuel Aguila, ex-directeur d’établissements devenu formateur, à la tête du réseau spécialisé A-FCC. Le recours à un tel service ou à un organisme de formation permet d’accéder à un panel d’accompagnants aux profils variés, déjà présélectionnés. Il convient aussi de s’assurer que les personnels sont prêts. « On peut difficilement se pencher sur la relation à l’usager dans une équipe qui va mal », résume Manuel Aguila. Le cas échéant, l’intervenant peut proposer au préalable quelques séances de supervision, voire suggérer d’autres dispositifs : accompagnement au changement, groupe spécifique pour les cadres…
Des objectifs tangibles
Au-delà des objectifs généraux – enrichir la pratique, renforcer les compétences, faire émerger un questionnement…–, la direction doit aussi fixer des objectifs tangibles propres à la structure, qui fourniront autant de critères d’évaluation du dispositif. Et qui peuvent être définis en concertation avec l’équipe. Exemple dans un foyer de l’enfance : permettre aux personnels éducatifs, qui « parentalisent » les usagers, de prendre de la distance. Outils de mesure : le nombre d’entretiens avec les familles, leur intégration au suivi… Une fois les principes posés, il importe de contractualiser le cadre du dispositif : le lieu des séances (dans ou hors de l’établissement), leur fréquence et leur durée (généralement, dix séances de deux heures par mois), l’obligation ou non de participer, la confidentialité des échanges… La composition du groupe doit donner lieu à réflexion, en particulier la présence des cadres. Généralement absents, ils peuvent être invités à certaines séances, et avec l’accord du groupe. L’APP étant un dispositif mouvant, le contrat peut enfin prévoir une clause de résiliation.
Temps de restitution
Et la direction ? Sans remettre en cause la confidentialité du travail, il faut prévoir des temps de restitution. « Il s’agit de rendre explicites la dynamique du groupe, la progression par rapport aux objectifs, mais aussi les thématiques qui ont émergé, les besoins de formation ou la nécessité de prolonge la démarche », explique Katia Honoré. Qui prévient : « Dix séances, ce n’est souvent qu’une amorce. » Côté budget, les tarifs se rapprochent de ceux de la formation professionnelle : pas moins de 150 euros de l’heure, plus le remboursement des frais. Au total, prévoir autour de 5 000 euros par an.
Point de vue
Thierry Haudrechy, directeur d’un centre éducatif et d’insertion professionnelle, à Rosières (Aube)
« Quand j’ai pris la direction de la structure, il existait déjà un dispositif d’analyse des pratiques. Mais il était facultatif et réservé aux éducateurs d’internat. Conséquence ? Les équipes avançaient dans la relation aux usagers à des rythmes décousus. J’ai donc demandé à l’intervenante (une psychiatre) d’animer une réunion thématique mensuelle, obligatoire, pour le personnel d’internat, et une pour les éducateurs techniques. Dans ce type d’établissement, il y a beaucoup de violence. En favorisant la parole, l’analyse des pratiques permet de prendre du recul. Aujourd’hui, les professionnels du service éducatif souhaitent changer d’animateur pour renouveler la dynamique, mais le groupe fonctionne. Du côté des éducateurs techniques, je perçois une petite résistance par rapport au travail relationnel. Mais il faut laisser le temps au dispositif de se mettre en place. »
Flavie Dufour www.directions.fr Le mensuel des directeurs du secteur sanitaire et social – n° 94 mars 2012
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