A l’origine des Groupes Balint et des GAP
“La rupture faite par la psychanalyse dans la façon d’appréhender la transmission des savoirs et l’enseignement d’une discipline”
C’est sur ces réflexions amorcées très tôt par les pionniers de la psychanalyse que Michael Balint développa la pratique des groupes de professionnels de santé, connus sous le nom de « groupes Balint ».
Médecin et biochimiste hongrois, puis psychanalyste dans la filiation de Ferenczi, Balint (1896-1970) s’exila en Grande-Bretagne en 1939. Chercheur à la Clinique Tavistock, haut lieu d’expérimentations et de psychanalyse sociale, il répond en 1947 à la demande d’aide d’Enid Albu qui dirige un séminaire de « casework » (travail du cas) pour assistantes sociales recevant des couples en détresse matérielle et psychique. Le casework rompt avec l’assistance caritative et introduit une méthode d’aide centrée sur les capacités d’autonomie de la personne, différente donc du conseil. Pour Enid Albu, il s’agissait à la fois d’étudier les problèmes qui se posaient aux couples après la guerre et de former des ” caseworkers ” capables de recevoir les couples en tenant compte des recherches faites sur la dynamique inconsciente des couples.
Mais, se demandaient l’animatrice du séminaire, comment des assistantes sociales n’ayant pas l’expérience d’une analyse personnelle pouvaient-elles développer une conscience accrue des réactions émotionnelles inconscientes de leurs clients, et des leurs, pour mener à bien un travail où la relation avec la personne est l’outil principal ?
Balint va modifier la méthode de travail du séminaire en introduisant l’esprit de la supervision analytique hongroise et celui des petits groupes (Rickman et Bion). Il demande de laisser tomber le dossier scrupuleusement monté, et de parler sans notes de la personne ou de la famille en charge, de dire ce qui vient à l’esprit à propos de ce client ce qui a pu gêner l’assistante sociale dans cette relation, etc…
Ce modèle de formation à la relation, il propose de l’expérimenter auprès de médecins, confrontés à des patho-logies qu’ils n’avaient pas l’habitude de traiter, dans le cadre du National Heath Service. Le NHS propose des cours de psychopathologie et de psychologie, mais Balint sait que les conférences sont souvent de peu d’utilité, au moins pour ceux qui les écoutent. Il propose au NHS d’expérimenter non pas un enseignement mais un dispositif pratique, dont il appliquera la méthode par la suite pour former des médecins généralistes à la relation médecin-malade. L’expérience donne des résultats étonnants, des changements chez les médecins et leurs patients.
Les médecins volontaires se réunissent très régulièrement, exposent les cas de leurs pratiques qui leur posent problèmes, narrent la prise en charge et les difficultés rencontrées, et procèdent par associations libres, laissant poindre les manifestations de leur contre-transfert. Les collègues écoutent d’abord, puis posent des questions, donnent leurs impressions et émotions, et essaient d’aider leur confrère à mieux cerner la relation qu’il a établie à son insu avec son patient.
Il s’agit, écrit Balint, de rendre manifeste « ce que le médecin fait au patient et ce que le patient fait au médecin, sur le plan émotionnel », d’étudier « le médicament-médecin », de transformer ainsi les habitudes des médecins, leur faire développer une aptitude nouvelle d’écoute, et parvenir ainsi à mieux soigner les patients. Le dispositif Balint est donc un dispositif d’intervention d’analyse clinique à partir de situations professionnelles apportées par les participants, et qui interroge la part professionnelle de la personnalité du médecin impliquée dans la relation au patient. Petit groupe de recherche et de formation, il n’aborde pas la vie personnelle de ses membres, mais l’analyse de la relation en situation professionnelle, avec l’éclairage psychanalytique.
L’analyste, leader du groupe, soutient le processus associatif, ponctue les avancées dans l’élaboration, leur arrêt, signale les points oubliés, propose des interprétations centrées de préférence sur le travail collectif des partici-pants. Cinq principes guident le fonctionnement du groupe : la régularité, la confidentialité, la solidarité, la non-conflictualité entre les participants, et le souci constant du terrain, le groupe se centrant sur une tâche à résoudre.
Les groupes Balint connaissent un grand succès et entraînent un mouvement qui va s’étendre en France, puis dans le monde, non sans avatars. Ce dispositif s’est étendu à l’ensemble des métiers dans le domaine social et éducatif, c’est à dire des pratiques qui mettent en jeu le lien à l’autre. Il concerne autant les « psy » que les autres professions dans le champ de la santé, du social, de l’éducation spécialisée, ou de l’enseignement.
Je me positionne dans la continuité des groupes Balint, enrichis des apports de Bion dans sa théorie des petits groupes, de Carl Rogers, des travaux d’Anzieu et Kaës sur la dynamique des groupes restreints et l’écoute de l’imaginaire dans les groupes, de ceux de Rouzel, de Claudine Blanchard-Laville sur le rapport au savoir et l’analyse des pratiques des enseignants et formateurs, et…. de ma pratique. Psychanalyste en libéral et en CMP, je suis spécialisée dans le lien social, nantie d’une pratique affirmée de l’analyse de pratiques et de la supervision d’équipes en charge de publics difficiles dans le champ social, médical général et de la psychiatrie adulte et infantile, et d’accompagnement des dirigeants et des managers dans leurs confrontations à la conduite de leur action managériale.
Je préfère pour ma pratique l’appellation de GAP, ou de Type Balint, à celle de groupes Balint. Les GAP dérivent du modèle de travail plus soutenu que Balint a initié.
Catherine FARZAT
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