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L’APP avec mon approche de la Thérapie sociale TST : contribuer à recréer les conditions d’un « conflit » confraternel, constructif et transformateur

Se reparler avec confiance des « sujets qui fâchent » et permettre au groupe de pouvoir vivre les « conflits constructifs » nécessaires au rétablissement de la coopération ainsi qu’aux transformations relationnelles et institutionnelles : pour l’analyse des pratiques, mon approche de Thérapie sociale TST constitue une articulation inédite et féconde entre l’individuel et le collectif.

Je vois dans mon métier d’intervenant en Thérapie sociale un grand intérêt pour l’analyse de pratiques professionnelles : pouvoir prendre sa place dans le groupe, dérouler ses propres histoires de pratiques plus librement tout en avançant en « conflit confraternel, soutenant et constructif » avec les autres et permettre ainsi collectivement les nécessaires transformations relationnelles et institutionnelles.

Comment en effet sortir d’un certain idéalisme, et mieux composer avec la réalité des situations, avec les autres ? Comment accepter qu’on ne peut pas tout changer d’un seul coup, mais qu’on peut déjà agir à son niveau, ensemble ? Comment sortir du sentiment répandu d’impuissance/surpuissance, trouver sa puissance et agir concrètement à de réelles transformations fructueuses ?

L’analyse de pratiques avec l’approche de la Thérapie sociale TST permet à chacun de monter soi-même en compétences dans l’observance de ses propres obstacles à la confiance et à la coopération. Il s’agit d’une méthode applicable à ses relations, avec soi-même, avec les autres, y compris avec le public, pour pouvoir notamment se décoller de ses propres sentiments négatifs (activés notamment au contact de la détresse des publics, ou des collaborateurs, ou de l’environnement professionnel), et accomplir ainsi son travail avec davantage de plénitude – ce qui pourrait au premier abord sembler contradictoire avec le fait de travailler avec des publics en souffrance !

En tant qu’intervenant en Thérapie sociale, je trouve une grande motivation à me mettre au service des participants, et par ma posture et ma connaissance du processus, les accompagner dans leur travail à être davantage présents à eux-mêmes, capables de s’affirmer et d’affirmer leur propre autorité, ou celle de l’institution, pour mieux se défendre sans violence face aux attaques venues de toutes parts :se défendre sans violence ne veut pas dire se défendre sans colère et/ou sans agressivité, car on oublie souvent qu’il y a des colères et des façons agressives de se défendre qui sont dépourvues de violences, tout comme il y a des façons de communiquer “calmement” qui peuvent être humiliantes, culpabilisantes ou négligentes…

Pour les travailleurs sociaux ou les soignants, les séances leur permettent d’améliorer leur capacité d’observance de ce qui se passe en eux, en les autres, de leurs peurs, de leurs part de violence, de la nature des dangers qui se cachent derrière ces peurs qui activent leur part de violence (dangers réels, ou dangers imaginaires liés à leur propre histoire ?) ce qui leur permettra de développer leur capacité à se rapprocher des publics, voire de s’autoriser à être sincèrement touchés par leurs situations de vie sans pour autant être submergés émotionnellement et/ou manipulés par des peurs inconscientes qui activent leur violences (culpabilisation, indifférence, mépris subtil…).

Autrement dit, cela leur permet d’être mieux présents à eux-mêmes et aux autres, y compris avec leurs propres peurs, leurs propres souffrances, leurs propres violences, de mieux les accepter, les assumer, de mieux vivre avec.

C’est un travail en confidentialité qui permet de mieux se confronter à soi-même et au groupe, de se reconnecter à soi, face au groupe, à ses intuitions, qui sont toujours bonnes conseillères, à sa petite voix intérieure, qui nous anime en profondeur, à sa propre autorité aussi.

DES OBJECTIFS ATTEIGNABLES ENSEMBLE

Tels seraient ainsi des objectifs atteignables que je pourrais proposer à un groupe de travailleurs sociaux :

– Améliorer la communication et la cohésion de l’équipe vers toujours plus de confraternité et de coopération constructive.

– Initier pour chacun une montée en compétences à son rythme en bénéficiant du soutien mutuel de l’équipe et de la confrontation féconde des expériences et des points de vue sur les pratiques.

– Libérer son esprit critique et son autonomie de réflexion et d’action, tout en se reconnectant à sa part de responsabilité dans l’institution et à ses besoins d’évoluer et/ou de se transformer.

Attention toutefois à ne pas perdre de vue l’essentiel : faire de cette analyse de pratiques un espace pour pouvoir dire ce qu’il est important d’échanger pour rester « humains ensemble », c’est-à-dire en lien, présent à soi-même et aux autres, en contact avec les ressentis, les besoins, les motivations, en osant . Nous avons besoin de traverser nos peurs d’être nous-mêmes face aux autres, en ne cherchant pas à leur cacher qui nous sommes dans notre vulnérabilité et avec nos imperfections, lesquelles vulnérabilité et imperfections sont finalement les plus sincères preuves de notre “puissance constructive”.

Mais ce travail nous permet aussi de développer nos capacités à réfléchir par nous-mêmes sur ce que nous vivons, à nous remettre mutuellement et personnellement en question sans nous dévaloriser, à mieux identifier par nous-mêmes les besoins et les motivations partagées du collectif auquel nous appartenons, ce qui « nous » motive vraiment, individuellement et collectivement, ce à quoi nous aspirons ensemble et à mieux pouvoir en parler et le défendre. Cela permet aussi de mieux prendre conscience de notre propre part de responsabilité : ce qu’on sait et que les autres ne savent pas, qu’on peut défendre aussi, ce que les autres savent et qu’on ne sait pas, et qu’on peut se reconnaître mutuellement. Et c’est en développant toutes ces capacités à chercher à solutionner ensemble les vrais problèmes, à tenir compte de ceux des autres, à parler de nos vraies difficultés, à accueillir celles des autres, que l’on peut sortir d’états de mal-être et de blocages collectifs, voire de mésestime ou de dévalorisation de soi, de nous ou des autres. 

COMMENT SE DÉROULE LE PROCESSUS QUE J’ACCOMPAGNE ?

Je crée principalement des espaces pour l’expression des ressentis, de tous les ressentis :

« Je me sens mal, j’ai l’impression de recevoir des coups tout le temps, avec une pression de résultat ». « Je me sens épuisé, j’ai l’impression que mes responsables ne se rendent pas compte de tout ce que je fais ».

Le photo-langage (ou autres supports) permet parfois d’affiner : « J’ai choisi un paysage avec un vélo abandonné et rouillé, qui pour moi représente la mort et la destruction : c’est ce à quoi je suis confrontée, avec toutes ces histoires de vies que je recueille et qui m’affectent personnellement. »

« Moi j’ai choisi la photo de rails de chemin de fer abandonnés et recouverts par la végétation : j’ai du mal à aller de l’avant, j’ai l’impression de beaucoup écouter, notamment ma hiérarchie, mais je ne sais pas comment exprimer mon mal-être. Je peine à trouver le sens de mon travail, et je me demande s’il est fait pour moi. »

Ils se sentent parfois comme un volcan, pleins d’énergie désordonnée pour « aller à la pêche aux sentiments ».

Ces sentiments d’impuissance, d’épuisement ou de mal-être sont générés, au sein des services, par des manques d’échanges sur certains sujets qui les préoccupent, qui fâchent parfois.

Créer un espace sécurisé pour pour faire émerger les sentiments négatifs revêt une grande importance, à commencer par celle « d’harmoniser les motivations », c’est-à-dire d’intégrer les vrais besoins de chacun par rapport à l’objectif, conditions de la participation active et intéressée de chacun, pour ne pas dire pleine et motivée :

«  Je crains qu’on ne puisse pas faire le véritable travail de parler de ce qu’on vit ».

« Je doute de pouvoir utiliser ces outils quotidiennement. » « Je me demande comment assumer d’être moi dans mes relations »…

Derrière les craintes, se trouvent leurs besoins cachés, souvent inconscients, qu’il me faut reformuler. L’animateur que je suis, par le travail que j’ai moi-même effectué dans mon propre groupe de formation à la Thérapie sociale – plus de 1000 heures depuis 2012 – sait prendre la parole pour rassurer, sécuriser, aimer sincèrement. Je dis que nous sommes là pour regarder aussi ce qui peut nous empêcher de prendre la parole, de dire nos difficultés, ce(ux) dont on se sent victime. C’est pour cela que je propose un fonctionnement sans doute plus libre que d’autres analyses de pratiques plus traditionnelles, parce qu’on va travailler ici sa capacité à s’imposer et à exprimer ses besoins, ses sentiments devant les autres, à « tirer la couverture à soi », à « défendre son bifteck », y compris devant les publics, et à pouvoir le faire naturellement, spontanément, dans la plénitude de soi.

Je leur dis que je pense que les publics ont besoin d’avoir quelqu’un en face qui a du répondant en même temps qu’il crée, par sa confiance, une sécurité relationnelle, qui s’autorise à exprimer au besoin ce qu’il ressent, parce que c’est comme ça qu’on crée une vraie relation, bénéfique pour chacun et pour la qualité du lien. On va vraiment travailler à comment créer de vraies relations sincères ou à les améliorer, c’est-à-dire des échanges qui permettent de parler librement des vrais sujets, essentiels, qui nous tiennent vraiment à cœur, qu’on a hélas souvent tendance à éviter.

Etre présent à soi-même, écouter ses sentiments pour pouvoir écouter ceux des autres, savoir les reconnaître, y compris nos peurs, par ce que ça résonne avec notre passé par exemple, c’est ça qui permet de mieux vivre la relation avec le public, avec les collègues, avec la hiérarchie. Et de se sentir plus apaisé, plus au clair.

Alors s’installent les conditions pour dire le vrai ou l’intime avec sincérité et pudeur, les préoccupations qui tiennent le plus à cœur. 

Les échanges se multiplient entre les participants (l’authenticité, l’empathie, l’humanité, et la confraternité aussi) qui permettent à chacun de parler – et ainsi de se décoller – de son isolement, de sa culpabilisation, de sa victimisation ou autres stratégies de protection (masques, armures, armes, ignorances, évitements, indifférences, ou autres stratégies plus ou moins violentes) de transformer ses sentiments de victimisation en responsabilisations réciproques. Ce genre d’échanges n’ont souvent jamais eu lieu auparavant, en tout cas pas dans ces conditions.

L’un des buts de ce travail spécifique d’analyse de pratiques est de vivre ensemble la transformation de ces sentiments de victimisation, d’impuissance, de culpabilisation et d’insécurité, et de regarder ensemble ce qu’il serait possible de faire évoluer.

L’APP autorise ainsi toute les remises en questions, y compris les dysfonctionnements et la recherche de solutions inédites, elle a ainsi une fonction “transformative”, où chacun prend ses responsabilités avec dignité, courage, soulagement et joie – parce qu’il voit que les autres le font aussi en même temps que lui – dans une spirale vertueuse de reconstruction de liens et de sens.

La parole circule librement, la réflexion se partage et se nourrit les uns des autres, dans un climat de soutien mutuel et de confraternité, même s’il est parfois “animé”, vivant, “chaud”. Pour chacun à tour de rôle, les situations sont analysées, en regardant les obstacles à une pratique du métier mêlant motivation, plénitude et sérénité. Nous réfléchissons aux conditions pour pouvoir rester pleinement soi dans l’exercice de son métier, tout en tenant son rôle exigé par l’institution avec responsabilité, dans ses confrontations avec les publics, les collègues, la hiérarchie, et pour mieux identifier et faire valoir ses besoins et ses valeurs dans ses relations, en s’autorisant davantage à rentrer dans un “conflit démocratique et constructif” nécessaire à une véritable évolution/transformation durable des cadres de travail qui tienne compte de chacun, y compris des attentes de l’institution et de son sens.

Yves Lusson, intervenant en Thérapie sociale TST, formé et supervisé à l’Institut Charles Rojzman (par Charles Rojzman)

Mini biographie

Sensible aux abandons, aux difficultés à être soi dans ses relations, je connais bien la tentation de se couper des autres et de la réalité.

Je me suis d’abord réalisé dans les médias : journaliste scientifique (E=M6), santé et social (Ligue nationale contre le cancer, Essentiel Santé magazine, Courrier Cadres), rédacteur-en-chef d’émissions télé éducatives pour les jeunes (Canal J et France Télévisions), communicant d’entreprise (EDF, GDF-Suez) et communicant public (Projet tramway de Dijon, Schéma de cohérence territoriale des Alpes-Maritimes)…

Ma formation à la Thérapie sociale TST m’aura d’abord permis d’apprendre à mieux surmonter mes propres obstacles à être pleinement moi-même connecté à mes intuitions, à mes motivations profondes, à la réalité, à être en lien de confiance avec les autres, à reconnaître et accueillir mes peurs pour ne pas être manipulé par elles, à accepter humblement les remises en question, à défendre mon intégrité ainsi que mes propres besoins dans nos nécessaires « conflits constructifs ».

Aujourd’hui, en tant qu’intervenant en Thérapie sociale TST, j’accompagne des groupes de personnes qui cherchent à se retrouver pleinement elles-mêmes et en relations de confiance et créatives avec les autres, au travail et/ou dans leur vie sociale et citoyenne : je supervise des groupes d’analyse de pratiques professionnelles auprès de travailleurs sociaux (CCAS, Prévention spécialisée, Centres d’hébergement pour adolescents, Centre d’accueil de demandeurs d’asile, etc.), je forme à la « communication constructive » à l’université (Clermont-Ferrand), j’anime des cellules de dialogue et de coopération dans des associations, des coopératives, des institutions…

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