La pratique méditative au service de la supervision et de l’Analyse des Pratiques
Le GAP, la supervision, sont avant tout des demandes de recul: parler, exprimer des situations et des vécus, pour s’en distancer. S’en distancer pour voir car de trop près on ne voit rien.
La demande de GAP ou de supervision est une demande de voir, de discerner, d’aide au discernement grâce à l’intervention d’un tiers.
Ce tiers a donc, de par sa posture et sa formation, une faculté d’aide au discernement et de ce qui se joue dans telle situation.
La pratique méditative, le recueillement, sont quant à eux des manières de faire le vide en soi, en accueillant le plein.
Rentrer en dedans, prendre la température, sentir, observer ce qui se passe en soi, sans juger; s’en remettre au temps qui passe, laisser les choses se décomposer tout doucement…jusqu’à y voir plus clair.
C’est de cet état dont s’imprègne peu à peu le méditant, qui va à son tour accueillir la parole du/des professionnels lors de GAP ou de supervisions.
Méditation et état de présence
En supervision individuelle comme en GAP, il s’agit d’un engagement avec tout son corps.
Pour aider le professionnel ou l’équipe à prendre du recul, il nous faut paradoxalement être entièrement engagé avec ceux-ci, à leur écoute.
Je suis tout à fait à ma place lorsque je suis en position d’écoute, immergée dans la communication. Intensément au présent, je sais que pendant ce temps mon esprit fait des liens parfois très rapides entre ce qui se dit à ce moment-là et ce qui s’est exprimé les fois d’avant.
C’est justement dans cette qualité de présence que le sens émerge.
En supervision comme en GAP, c’est effectivement une question de temporalité entre ce qui est et a été dit, est et a été entendu lors des séances précédentes.
C’est une histoire de silences, de répétitions, de non-dits qui émergent naturellement dans un espace dédié, et qui peuvent prendre sens lorsque c’est le moment.
C’est ce va-et-vient qui fait cheminer.
Parfois, le superviseur intervient pour relever un élément qui servira de levier aux professionnels, pour faire émerger une clé de compréhension pour telle ou telle situation, problématique.
Faire émerger le sens de l’action, du mot, de l’attitude, qui éclairera alors toute la scène avec évidence. Le sens, qui permettra au professionnel une pensée à nouveau fluide, créatrice.
Pour que la personne en supervision ou l’équipe puissent se laisser aller à parler, réfléchir “en direct”, se confronter aussi, ils doivent pouvoir le faire en toute sécurité, dans l’espace attentif qu’offre “celui/celle qui accompagne”.
Ce dernier est garant du temps justement, il soutient la parole comme le silence, il est à la fois dedans et dehors, au service de l’élaboration et du sens.
Comment “celui/celle qui écoute” se tient-il/elle là, avec l’autre et sans lui, sur un fil d’attention ténue ?
Grâce à ce que la méditation, le recueillement lui apporte.
Méditation et conscience
En méditation, je suis intensément présente et m’absente pourtant; j’accueille ce qui advient du bouillon de mes pensées, sentiments et émotions; j’écoute, me laisse envahir pour mieux laisser partir ce qui s’en va naturellement.
- Je me laisse prendre entièrement pour mieux me dégager ensuite.
- Je suis là, présente, les sens en éveil et me laisse traverser.
- Je suis consciente de ce qui me traverse, et cela m’apporte des pistes de réflexion et des idées d’action pertinentes.
Espace d'”absence consciente”, dans lequel tout l’être respire, abondamment.
Grâce à cette pratique je sais à quelle place je me trouve face aux professionnels et me laisse alors emmener, consciente…Grâce à elle je sais tantôt me taire tantôt parler, en fonction du cadre imparti.
Si cette pratique m’aide à accueillir la relation au présent ainsi que les enjeux qui s’y tissent, les questions et les réponses qui s’y donnent (expriment), elle tient lieu aussi de garde-fou.
Méditation et régulation
La pratique de la méditation agit à mon insu comme une régulation.
Pendant les séances
Elle m’aide, comme dit précédemment, à savoir naviguer dans la dynamique de groupe ou duelle, à me laisser flotter même… puis à entendre un élément ou une question qui remonte à la surface, s’avérant clé pour la résolution même d’une situation/ d’un problème.
En GAP ou en supervision, il n’y a parfois “rien à faire” qu’être là et laisser la ou les personnes s’exprimer, dérouler leur fil…
Cet “être là” est facilité par un état méditatif, qui ne veut rien, sauf être présent.
Ce sont nos inconscients qui sont au travail, la pratique méditative facilite cette fluidité des échanges d’inconscient à inconscient, elle augmente la “porosité” psychique.
Après les séances
Après une séance, en me posant dans cet état particulier de présence à moi-même, je peux repérer certains moments/éléments de la séance passée qui demandent à être regardés, analysés et compris: de ma propre posture, mes projections et transferts comme de ceux des professionnels.
La méditation (ou l’état de recueillement) propose en effet un état de conscience, neutre, au travers duquel on peut percevoir des éléments qui sans celle-ci seraient déformés, ou invisibles.
Projections, transfert et contre-transfert sont repérés, analysés pour un accompagnement en conscience de la personne supervisée.
Car il s’agit bien en effet de conscience.
La méditation apporte conscience à celui/celle qui pratique, et cet état est au service du professionnel, de l’équipe accompagnés, par l’intermédiaire du superviseur.
Anne-Emmanuelle MARIE, Psychopraticienne et Intervenante en Analyse des Pratiques Professionnelles/Supervision
Crédit Photo Einfach-Eve de Pixabay
- Anne-Emmanuelle MARIE
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